Drôle de dragon

Claudia Stavisky met en scène “Le Dragon d'Or“ de Roland Schimmelpfennig, au Théâtre Les Célestins. Un pari risqué pour une pièce complexe et inattendue. Dorotée Aznar


L'an dernier, Claudia Stavisky, directrice du Théâtre Les Célestins, présentait un Lorenzaccio de Musset sous chapiteau, dont la réussite fut unanimement saluée. Après ce classique, la metteur en scène décide de renouveler sa fidélité à un auteur de théâtre allemand, Roland Schimmelpfennig, dont elle avait déjà monté une pièce assez classique dans sa forme, La Femme d'avant. Avec Le Dragon d'Or, Schimmelpfennig lance un véritable défi aux metteurs en scène. Une pièce chorale, dans laquelle les destins d'une quinzaine de personnages ne sont a priori reliés que par leur fréquentation d'un restaurant «thaï-chinois-vietnamien», situé au rez-de-chaussée d'un immeuble. L'action se déroule simultanément dans la cuisine étriquée du fast food, dans un appartement sous les toits, dans la réserve d'un épicier... Dans une même réplique, un comédien est plusieurs personnages et même le narrateur de l'histoire, déclament tout haut les didascalies. Complexité supplémentaire, une fable, La Cigale et la fourmi, est également racontée en filigrane... Claudia Stavisky réussit parfaitement à maîtriser les difficultés de son matériau de départ. Le choix du décor est à ce titre exemplaire : une structure métallique simple, très haute et permettant de visualiser clairement différents niveaux, différentes histoires. LORSQUE L'HIVER FUT VENU
En dépit de la complexité de la forme, Le Dragon d'Or raconte des histoires simples, faisant même craindre à certains moments de verser dans le pathos un peu facile. Car Schimmelpfennig choisit de s'intéresser au sort des immigrés clandestins et des dérives de la société de consommation, produisant des individus que rien ne peut combler, cherchant à meubler le vide et la solitude par des objets inutiles. Mais même si on n'échappe pas complètement à une certaine forme de bien-pensance, il faut reconnaître à l'auteur un maniement habile de l'humour et de scènes féroces et décalées. Cet ovni théâtral, accueilli fraîchement par le public, a sans doute de quoi surprendre. Claudia Stavisky y dévoile pourtant une réelle maîtrise de la mise en scène et confirme son talent à composer une équipe de comédiens inattendue et efficace.LE DRAGON D'OR
Au Théâtre Les Célestins, jusqu'au jeudi 7 avril


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