Diamants sur canopée

A la découverte du haut du panier rock européen, la première tournée d'Europavox s'arrête à Lyon avec trois groupes qui n'ont aucun mal à évoluer quelques dizaines de pieds au dessus du plancher des vaches, dont l'excellent Great Mountain Fire. Stéphane Duchêne


La canopée est l'étage supérieur d'une forêt généralement tropicale et exposée directement au soleil. Certains arbres la dépassent pour mieux accéder aux rayons du soleil quand les plus petits restent dans l'ombre, ce qui leur complique durablement la vie – la vie d'un arbre étant déjà ce qu'elle est. Car oui dans la forêt tropicale, il y a un peu une course à la canopée consistant à s'élever pour pouvoir grandir et inversement.

On n'y avait pas forcément pensé avant, mais à l'écoute de Canopy, le premier album de Great Mountain Fire, on peut y voir une métaphore de la musique pop – l'exigeante, pas celle qui sort des robinets à soupe de la TNT. Une recherche de l'élévation pour accéder à la lumière. De la même manière la pop alimente un écosystème à la faune et à la flore propres, où chaque chose en nourrit une autre. À l'auditeur de s'y balader comme sur certains ponts suspendus au dessus de la canopée malaisienne.

La canopée, les Belges de Great Mountain Fire n'en ont sans doute pas vu grand chose – malgré une honnête pluviométrie, la forêt tropicale belge laisse à désirer –, en revanche leur écosystème pop est d'une richesse qui donne le vertige (seule possibilité de retrouver cette sensation à Bruxelles : l'Atomium ou à la rigueur la vision du Manneken-Pis si l'on est atteint d'une forme gravissime de micropénie).

Coco en Islande

Comme le tigre de la pochette de Canopy – oui, d'accord, le tigre ne vit pas dans la canopée mais allez dire ça aux gens qui ont fait cette pochette – ces Belges ont bouffé à tous les râteliers et attaquent de tous les côtés, à coups de guitares, de synthés, de basse funk, lorgnant vers Phoenix, Blur, Vampire Weekend, Air (oui, madame). D'où cette question : comment tout cela peut-il tenir ensemble ? Question d'équilibre, comme disait le poète. Même interrogation en ce qui concerne Funeral Suits – ne pas se fier à ce nom emo-goth totalement trompeur –, en provenance d'Irlande, certes légèrement plus irrégulier et convenu, en dépit ou à cause de la présence à la console de la légende Stephen Street (Blur, The Smiths, Cranberries). Malgré tout le bien que l'on pense d'eux, on leur préfère volontiers, chauvinisme lyonnais assumé, ces sacrés Salmon Fishers, capables de vous persuader qu'il y a des "noix de coco en Islande" (quand on vous parlait d'écosystème) et dont on se demande, à force, par quel prodige ils n'ont pas encore l'une des meilleures places sur la canopée pop.

Tournée Europavox – Great Moutain Fire + Funeral Suits + Salmon Fishers
Au Club Transbo, jeudi 24 janvier


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