Quand un musicien met en chantier un label, il le fait généralement dans l'idée de s'auto-éditer et d'offrir le gîte discographique à quelques connaissances ou découvertes fortuites. Bien sûr, les exceptions, autrement dit les gratte-nylon (ou frappe-plastique, ou bouffe-métal, vous voyez l'idée) qui se découvrent une vocation de directeur artistique, abondent. Mike Patton, le hurleur à cordes vocales ductiles de Faith No More, en est une, lui qui a fait d'Icepac Recordings un révéré laboratoire de rock déviant. Jello Biafra, le truculent frontman des Dead Kennedys qui, a la tête d'Alternative Tentacles, fait les beaux jours des musiques très sonores, aussi.
Mais c'est à une autre figure du punk rock californien que l'on doit l'une des maisons les plus emblématiques : Greg Gurewitz, le guitariste de Bad Religion, fondateur en 1980 d'Epitaph, où ont un jour ou l'autre signé tous les groupes ayant compté dans l'histoire post-épingles de sûreté du punk et du hardcore, de Green Day à Refused en passant par The Offspring, NOFX, Madball, Rancid, Pennywise, Millencollin, Social Distortion ou The Vandals, mais aussi Weezer et Tom Waits.
Sa seule présence suffirait à faire de la venue de son groupe au Transbordeur un once in a lifetime event. Seulement voilà, Bad Religion est en soi une légende du genre. Un groupe qui, depuis sa création il y a un peu plus de trois décennies par une bande d'étudiants à la conscience politique et à la conductivité électrique plus développées que la moyenne, n'a en dépit de nombreux remaniements internes – seul Greg Graffin, le leader, par ailleurs doctorant en paléontologie de l'évolution et auteur d'honorables disques de folk, est là depuis le début - jamais dévié de sa trajectoire initiale. Quitte à se répéter ? Même pas.
Car si la carrière du groupe a connu son lot de passages à vide – un hiatus de 1983 à 1985, un run en major de 1993 à 2000 d'une banalité inversement proportionnelle à la popularité acquise par le groupe sur la période, il a toujours fait montre d'un sens de la recombinaison proprement impressionnant. True North, son seizième album paru en début d'année, en a bénéficié : les harmonies vocales flamboyantes, les riffs qui se jouent le pied sur le retour, l'urgence verbale (un seul morceau dépasse les trois minutes), rien n'a changé et pourtant, l'ensemble a l'ardeur et l'authenticité des premières fois.
Bad Religion + Uncommonmenfrommars
Au Transbordeur, mardi 25 juin