Eat sleep die

De Gabriela Pichler (Suède, 1h44) avec Nermina Lukac, Milan Dragisi…


Loin des clichés sur la Suède propre et meublée Ikea, Eat sleep die immerge le spectateur dans le réalisme poisseux du travail à l'usine, en l'occurrence celle d'une entreprise qui conditionne salades et herbes aromatiques sous vide. Collé aux basques de Rasa, post-ado née au Montenegro, arrivée en Suède un an plus tard avec son père, lui-même détruit par des années de labeur, le film se tient sur une ligne très frères Dardenne : caméra portée objective qui annexe la description documentaire à un personnage de fiction pour la transformer en action pure.

Cette exposition peine toutefois à dépasser son programme et à dégager des enjeux dramatiques forts. Il faut attendre une scène particulièrement réussie où Rasa tente de continuer son travail alors qu'à tout instant, son patron peut venir lui annoncer son licenciement, pour que Gabriela Pichler donne enfin une certaine ampleur à Eat sleep die. Son père parti chercher des cieux salariés plus cléments en Norvège, Rasa se retrouve sur le carreau, livrée à elle-même et surtout aux mécanismes de reclassement professionnel suédois, dont la cinéaste fait ressortir toute l'absurdité sans jamais forcer le trait.

Elle insuffle même un léger lyrisme à sa mise en scène, filmant son héroïne en pleine vacance, jusqu'à cette jolie séquence de fête foraine qui se termine en carnaval triste. Même si l'horizon du film reste celui  un peu bouché, d'un naturalisme à l'européenne qui fait essentiellement florès dans les festivals, Eat sleep die parvient à sortir de l'ordinaire par une certaine sécheresse de récit que même la scène finale, pourtant décevante, ne vient pas tout à fait ternir.

Christophe Chabert


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