En surrégime


Si la banane est le fruit de l'amour, ainsi que le chantait sur un air chaloupé le bellâtre hispanique Michael Chacón, alors celle, réduite à l'état d'une flaque de pulpe, qui donne son nom à Melt-Banana, est celui du quickie contorsionniste. Genre le plan à trois en accéléré d'Orange Mécanique. Sauf que Melt Banana est un duo – même si Yasuko Onuki et Ichirou Agata, la chanteuse et le guitariste japonais qui le composent, ont collaboré depuis plus de vingt ans avec tellement de batteurs qu'ils pourraient disposer de leur propre ensemble taiko – et qu'il ne donne pas dans le lyrisme et la bravoure à la Rossini mais dans le vacarme et la jovialité façon Deerhoof sous amphétamines.

Car à l'instar de Polysics, Melt-Banana synthétise en sons toutes les contradictions du Pays du soleil levant : elle piaille telle une popstar de dessin animé, lui gratte ses cordes avec la frénésie et la dextérité d'un joueur de grindcore – non sans leur arracher des bruitages dignes d'un épisode de Flashman (notre équipe de super-héros nippons favorite, ne serait-ce que parce que l'un des membres est capable de se battre en faisant l'équilibre) – le long de morceaux aussi jubilatoires qu'éreintants. Celui qui ouvre Fetch, douzième (!) album de Melt-Banana, s'intitule Candy Gun et il est, avec ses blast beats infernaux, ses empilements de riffs évoquant autant un décollage de soucoupe volante qu'un démarrage de tondeuse à gazon et son rap aux airs de gros caprice, un bon condensé de ce qui suit et de tout ce qui l'a précédé. «Only in Japan» comme qui dirait.

Benjamin Mialot

Melt Banana [+ No Shangsa]

A l'Épicerie Moderne, mardi 13 mai



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