Quand t'es dans le désert

S'ils n'ont pas vu une plage depuis des lustres et tendent à célébrer le désert, les néo-Arizoniens de Guantanamo Baywatch s'y entendent pour distiller une surf music recueillie à la source mais distillée de bien des manières. Moins de deux ans après, les voilà de retour à Lyon.


Pratiquer le surf garage dans le désert, ce serait un peu comme donner un concert de rock sataniste dans une église. Ou de pop évangélique au Hellfest. Le contre-emploi est assuré. C'est oublier que bon nombre de groupes de surf music n'ont jamais mis les pieds dans l'eau et rarement vus la mer de près, que les jeunes Beach Boys ne pratiquaient pas eux-mêmes (à l'exception notoire de Dennis), le sport qui squattait la plupart de leurs chansons.

Il n'empêche que Guantanamo Baywatch (vice-champion du monde de nom à base de mots valises – Guantanamo Bay + Baywatch – après le Brian Jonestown Massacre) fait fort,  après s'être relocalisé de Portland au cœur de l'aride Arizona, rendant sur son dernier album – le quatrième – une sorte d'hommage hydraté à Desert Center, un trou perdu de la Californie désertique, connu pour être l'endroit où l'on s'approvisionne en gaz et essence sur la route entre Los Angeles et Phoenix.

Pourquoi ? La raison est des plus triviales, la légende racontant que ce serait en passant par Desert Center que le leader Jason Powell pour la première fois émis un gaz en présence de sa dulcinée, ce qui donna lieu entre eux à un code pour ce genre de situation embarrassante : "Desert centering" (équivalent arizonien de notre « lâcher un Feyzin »).

Palette 60's

Le romantisme a fait le reste au moment de baptiser un album qui continue de marcher sur les traces des pionniers de la musique surf, à commencer par ces instrumentaux dans la plus pure veine Dick Dale / Shadows / Ventures que peuvent être Conquistador ou The Scavenger (lorgnant sur le western, même si pas autant que The Australian ou Witch Stomp et son orgue psychédélique).

Des morceaux que l'on qualifierait volontiers de Tarantiniens si Tarantino n'avait opéré lui-même un renversement des valeurs en truffant ses films de ce genre musical, jusqu'à en devenir l'épithète quelque peu usurpée. La chose serait plaisante mais un peu courte si au fond Guantanamo Baywatch n'était pas bien plus qu'un groupe de surf : non seulement toute la palette 60's lui est accessible mais ce trio barré peut la faire muter à l'envie : Neglect, à l'âme démesurément soul, Meza, AZ, reculant d'une décennie, Area 69 dégénérant en psychobilly des familles, ou Blame Myself, ballade aux accents power-pop qui rappellerait presque un Weezer expédié dans les sixties par une machine à remonter le temps.

Une chose est sûre : après quatre albums, en dépit des contraintes des genres pratiqués, et peut-être parce que Jason Powell porte le nom d'un immense lac artificiel irriguant l'Arizona, même au fin fond du désert, l'inspiration de Guantanamo Baywatch ne semble pas en voie d'asséchement.  

Guantanamo Baywatch + Cannibal Mosquitos 
Au Farmer le mercredi 13 septembre


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