Cité Tony Garnier : patrimoine squatté

Dans le quartier des États-Unis, le patrimoine de la cité ouvrière est de plus en plus en proie aux squatteurs. Le musée urbain Tony Garnier alerte et Grand Lyon Habitat se défend.


« Ça fait 43 ans que j'habite ici et y'a jamais eu ça » nous dit une résidente de la Cité des États-Unis. Comprendre : l' agression qui s'est terminée dans le sang le 28 juin et une autre du même acabit une dizaine de jours plus tard. Bien sûr, ce quartier du 8e arrondissement lyonnais n'est pas le Bronx et aucun mort n'est à déclarer. Cependant, le Musée Urbain Tony Garnier a reçu des lettres de doléances de ses voisins qui dénoncent une « insécurité totale », des « allers et venues toutes les nuits », du « tapage nocturne » et menacent de bloquer le paiement de leurs loyers.

L'ensemble de plus de 1500 logements, repartis en douze îlots, construits dans les années 30 d'après les plans de Tony Garnier, connaît une phase massive de rénovation. Et donc une non-relocation des appartements laissés vacants. Grand Lyon Habitat — qui en est propriétaire — reconnaît que depuis 2019 « 18 situations de squatt ont été comptabilisées sur le seul secteur des États-Unis, qui ont toutes fait l'objet d'une procédure diligentée par Grand Lyon Habitat devant le tribunal. À ce jour, sept expulsions ont été réalisées et onze sont en cours de procédure dont cinq avec ordonnance d'expulsion obtenue. Un programme de sécurisation pour chacun des logements vacants a été élaboré fin janvier 2020 : les appartements seront équipés d'une centrale anti-intrusion. Ces équipements seront reliés à un centre opérationnel de sécurité qui aura pour mission de faire intervenir un rondier en cas d'effraction. Ce dernier fera appel aux forces de police en cas de squatt avéré » précise GLH.

Catherine Chambon, directrice du Musée Urbain Tony Garnier, sis au cœur de ces bâtiments, dit « ne pas accabler le bailleur social qui ne peut pas tout gérer seul » mais tente de porter la parole d'inquiétude des habitants dont fait partie son équipe en travaillant ici. Et aussi, elle entend poursuivre sa mission de préservation de ce patrimoine dit "remarquable" selon l'appellation contenue dans la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. « Mais comment le faire avec les contraintes liées à la crise du Covid et désormais avec ces problématiques sécuritaires ? Personne n'est à l'abri d'une balle perdue » ajoute-elle alarmiste alors qu'elle poursuit ce travail de visites en petits groupes à la fois du quartier et ses murs peints et de l'appartement témoin. C'est toujours une découverte passionnante au croisement de l'architecture, de l'histoire et des préoccupations sociales des XXe et XXIe siècles.

Craintes

Grand Lyon Habitat dit avoir bien conscience de ce problème d'occupation illégale et de ses ramifications souterraines. Alors que les « travaux d'une première tranche de 275 logements doivent débuter au 4e trimestre 2020 (avec un délai de 57 mois),  rappellent-ils, à l'occasion du confinement ce phénomène de squatt s'est durci de façon inquiétante sous l'action de réseaux qui contactent directement les locataires sur le point de déménager, pour récupérer un double des clefs et s'accaparer les logements au départ des locataires pour installer des jeunes adultes. Cette occupation illicite génère des troubles et une insécurité importante dans les allées des immeubles concernés. Les habitants ont peur et ne souhaitent pas, pour la plupart, témoigner de cette situation de peur de représailles. Ainsi le délai légal de 24h pour faire constater le squatt est dépassé la plupart du temps, ce qui renforce la difficulté à maîtriser ce phénomène ». De plus, GLH rapporte que selon « la présidente d'ABC HLM (association des organismes HLM du Département et de la Métropole) qui s'est]emparée du sujet, cela concerne plusieurs bailleurs de la Métropole (...) et laisse augurer d'un vaste réseau organisé ». Les services de la Préfecture sont saisis pour organiser une action coordonnée et massive sur le territoire permettant de démonter ces réseaux.

Durant le mois de juillet, le musée continue d'assurer son offre de visite et d'exposition avec la mise en place de "packs". L'exposition relatant le vie et l'œuvre de Tony Garnier, L'Air du temps, initialement prévue jusqu'à fin décembre, est prolongée jusqu'au 21 mars 2021. Mais elle est pour l'heure fermée et ré-ouvrira le 15 septembre.

Enfin, à la bibliothèque de la Part-Dieu, vient d'être inaugurée la présentation d'une série de photos d'Anne-Sophie Clémençon pour constater ce qu'il reste de l'œuvre bâtie de l'architecte à Lyon et dans quel état (dégradé parfois comme la piscine de Gerland). À voir au 4e étage jusqu'au 2 janvier.


<< article précédent
Villeurbanne : Stéphane Frioux adjoint à la Culture