Le mandat immobilier : principes et jurisprudences

Les aléas de la vie conduisent tout un chacun à faire le choix de vendre un bien immobilier. Par besoin d'être accompagné ou par souci de simplicité, le recours à un professionnel de l'immobilier à ce moment clé de votre vie peut s'avérer nécessaire.


La loi Hoguet du 2 janvier 1970, et son décret d'application du 20 juillet de la même année, modifiés par la loi Alur du 24 mars 2014, concernent tous les professionnels de l'immobilier. Elle encadre leurs activités, notamment celle de la vente des biens immobiliers.

Dans le cas de la vente d'un bien immobilier, agents immobiliers, mandataires, notaires et avocats peuvent recevoir mandat de leur client. La loi impose de détenir un mandat écrit pour intervenir au nom de leurs clients, et ce préalablement à toutes diligences. Ce mandat peut être simple, co-exclusif, semi-exclusif ou encore exclusif.

Un contrat d'entremise

Le mandat de vente signé entre un propriétaire et un agent immobilier peut être un mandat d'entremise ou un mandat de représentation.

La nature de ce contrat n'est pas sans conséquence juridique, puisque dans le cas d'un mandat d'entremise, l'agent immobilier a pour mission de rechercher un acquéreur et de le présenter au propriétaire, alors que dans le cas d'un mandat de représentation, l'agent immobilier a le pouvoir d'engager le propriétaire et donc de signer un compromis de vente en son nom et pour son compte.

La Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que sauf clause expresse, le mandat donné à un agent immobilier est un simple mandat d'entremise (Cass., Civ. 1re, 15 juin 2022, n° 20-22.047). En pratique, le mandat de représentation est rare, et il vous sera proposé un mandat d'entremise.

Un contenu sous peine de nullité du mandat

Le mandat doit contenir des clauses impératives, mais aussi des clauses facultatives.

Au titre des clauses impératives, nous trouvons :

– Sa durée : il lui faut un terme précis même en présence d'une clause de tacite reconduction et sous réserve d'une durée raisonnable conformément au droit commun des mandats ;

– L'indication qu'il peut être mis fin à tout moment au mandat, passé un délai initial de trois mois (et avec un préavis de quinze jours), dès lors que le mandat comprend une clause pénale, une clause d'exclusivité ou une clause dite de « garantie de rémunération » et sauf l'hypothèse d'une vente par lots ;

– La reproduction des deux premiers alinéas de l'article L215-1 du Code de la consommation relatifs aux conditions de reconduction des contrats de prestation de service ;

– Le montant de la rémunération de l'agent immobilier ou ses modalités de détermination, ainsi que la partie qui en a la charge ;

– Le numéro d'inscription au registre des mandats sur l'exemplaire du mandat resté en possession du mandant ;

– Les moyens utilisés et, le cas échéant, par le réseau auquel appartient l'agent immobilier, pour diffuser auprès du public les annonces immobilières ;

– Le cas échéant, l'indication des nom et qualité du collaborateur délégué par l'agent immobilier (le titulaire de la carte professionnelle).

Sont facultatives :

– La clause d'exclusivité par laquelle le mandant réserve à l'agent immobilier la négociation de son bien s'interdisant de vendre lui-même ou par l'intermédiaire d'un autre négociateur professionnel. Il est à noter que le professionnel doit mentionner dans le mandat les actions qu'il s'engage à réaliser pour mener à bien sa mission ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.
En contrepartie, doit être reproduit en caractères très apparents le deuxième alinéa de l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 relative à la durée (cf. ci-dessus)

– La clause pénale par laquelle le mandant s'engage, s'il refuse de régulariser la vente aux conditions du mandat, à verser à l'agent immobilier une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts et qui ne peut excéder le montant des honoraires qui auraient été dus à l'agent immobilier, si l'opération avait été menée à son terme.
Cette clause reste soumise au pouvoir modérateur du juge, qui peut la réduire ou l'augmenter si elle est excessive ou dérisoire.

– La clause dite de « garantie de rémunération » par laquelle une commission sera due à l'agent immobilier par son mandant (« vendeur »), dès lors que le bien est vendu et que son rôle ait été ou non déterminant dans la réalisation de l'opération.

Ces clauses avantageuses pour le professionnel doivent apparaître en caractères très apparents dans le corps du mandat (non dans les conditions annexes). À défaut, la nullité du mandat est encourue et les honoraires non dus.

Un contrat d'exclusivité dénoncé, quid des honoraires ?

Si le mandat se doit d'être clair et précis sur les modalités de la rémunération, désormais appelés « honoraires », la pratique a pu conduire la Cour de cassation a apporté quelques précisions. Il peut arriver qu'au cours de la mise en vente via un professionnel, le vendeur soit contacté en direct par des acheteurs intéressés. Si cela ne pose pas de difficulté la plupart du temps, il faut être très vigilant en cas de mandat exclusif !

L'exclusivité est de trois mois, reconductible une année, sauf dénonciation avec préavis de quinze jours. À ce titre, le vendeur (dit mandant) s'interdit, pendant la durée du mandat, de négocier soit par lui-même, soit par un autre intermédiaire, la vente du bien et s'engage à diriger sur le mandataire toutes les demandes qui lui seraient adressées personnellement.

Le plus souvent, une clause pénale est prévue au contrat, souvent égale au montant de la rémunération.

La situation qu'a eue à connaître la Cour de cassation est la suivante : des propriétaires font visiter le bien à un potentiel acquéreur, et en informent l'agence. Une fois le mandat résilié, ils concluent une vente avec ladite personne. L'agence les assigne en paiement de la clause pénale.

Par arrêt du 15 juin 2022, la Cour de cassation a considéré que les propriétaires ont commis une faute en négociant ensuite la vente en violation de la clause d'exclusivité, nonobstant l'information délivrée à l'agence quant à l'existence de cette offre et de l'information de la visite des lieux en cours de mandat.

Le principe reste donc acquis : alors même que le mandat exclusif de vendre donné par le propriétaire d'un immeuble à un agent immobilier est expiré, l'intermédiaire peut prétendre à des dommages-intérêts dès lors que sont établies les manœuvres ayant conduit à l'évincer de la vente réalisée par le propriétaire seul !

À l'inverse, parfois le mandat d'entremise aboutit à la formulation d'une offre au prix, mais le vendeur ne souhaite plus vendre. La Cour de cassation a eu à connaître de la situation d'un mandat exclusif qui prévoyait une clause usuelle dans la pratique selon laquelle « le mandant s'engage à signer, au prix, charges et conditions convenues, toute promesse de vente ou compromis avec tout acquéreur présenté par le mandataire » prévoyant une indemnisation en cas contraire.

Le professionnel va informer le propriétaire avoir trouvé un acquéreur au prix. Mais après mise en demeure, le propriétaire ne souhaitera plus vendre. Par arrêt au 15 juin 2022, la Cour de cassation a pu rappeler que selon la loi Hoguet,  « aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû au mandataire immobilier ou ne peut être exigé ou accepté par lui avant qu'une des opérations qui y sont visées ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties. »

Les juges ont décidé que le professionnel ne pouvait pas se prévaloir de la clause pénale pour refus du vendeur, puisqu'aucune vente n'a été conclue, et la clause prévue au contrat prévoit une obligation « fantôme ». Ici, les professionnels comprendront l'utilité du mandat de représentation !

En tout état de cause, si le mandat immobilier reste un contrat que tout propriétaire peut rencontrer au cours de sa vie, et s'il faut se montrer vigilant dans son contenu comme pour tout contrat avant signature, le lien de confiance ainsi que la compétence du professionnel vous accompagnant permettra à l'opération d'aboutir !


<< article précédent
Terrain glissant pour les propriétaires perchés