« Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. Ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence ». La phrase de Châteaubriand placée en exergue de l'exposition inaugurée il y a quelques jours au Musée des Beaux-Arts donne d'emblée le ton d'une réflexion qui allie séduction et émerveillement, faste et impermanence.
Se référer à l'étymologie du terme nous renvoie immédiatement au concept de chute, or la ruine génère une stratification de significations qui se déposent sur elle au fil du temps, dépassant le simple esthétisme de la décadence. Si elle a toujours suscité fascination, admiration ou hostilité, la raison est à chercher dans ce qui de l'invisible subsiste dans le visible, dans le matériel. Qu'il s'agisse de vestiges de constructions imposantes, de simples artefacts du quotidien ou de la forme fragmentaire d'objets rituels, la ruine traverse l'histoire de l'humanité et des sociétés, revêtant des significations et des conduites différentes selon la situation géographique, temporelle, religieuse et culturelle. L'exposition, dirigée par l'historien Alain Schnapp et la directrice Sylvie Ramond, tente d'offrir un aperçu de la manière dont l'humanité a pu affronter et intégrer la ruine dans sa culture. La tension entre mémoire et oubli produit des « vestiges » – le latin vestigium désignant l'empreinte laissée par le passage d'un pied humain ou animal – traces de fabrications anthropiques nécessairement condamnées à la disparition. Sonder la portée universelle de chaque ruine, au-delà de l'incarnation politique et culturelle transitoire, semble être la tâche au cœur de cette exposition, questionnement éternellement ouvert et inépuisable.
Formes de la ruine
Au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 3 mars 2024