Réalisée en connivence avec la revue De(s)générations, l'exposition h(H)istoires présente les œuvres de quatre artistes donnant la voix aux cris inarticulés des vaincus.
Avec cette exposition, les trois commissaires Fanny Robin, Philippe Roux et Pascal Thevenet souhaitent insister sur la déclinaison plurielle de l'histoire : il n'y a jamais une seule histoire, celle « avec sa grande hache » selon la définition de Perec, écrite et gravée par les vainqueurs, mais aussi la nébuleuse des histoires inaudibles, invisibilisées, oubliées des vaincus.
Tel un fantôme, une présence hante l'exposition : il s'agit de Walter Benjamin, le grand philosophe juif allemand, théoricien de la mémoire des vaincus et des figures marginales. Celle du chiffonnier erre discrètement dans les espaces, « qui soulève au bout de son bâton les débris de discours et les haillons de langage pour les charger en maugréant dans sa carriole » (W. Benjamin, Un marginal sort de l'ombre).
Faire propre ce geste qui agit dans les renfoncements de l'histoire est le défi des quatre artistes : le geste intempestif rompt la succession du temps, produisant ainsi une discontinuité dialectique en mesure de problématiser l'histoire et de l'interroger.
Les peintures sur verre de Jean-Marc Cerino sont parmi les œuvres les plus puissantes et discrètes de l'art contemporain actuel. Elles engagent un corps-à-corps avec l'histoire, s'insinuant entre apparition et destruction, comme témoigne la poignante image des documents du Ministère des Affaires étrangères flottant dans l'eau à la suite de la crue de la Seine de 1910.
Parmi les artistes les plus engagés présents à la dernière édition de la Biennale, Nicolas Daubanes expose à la Fondation quelques œuvres autour de l'univers carcéral et concentrationnaire (Montluc et Auschwitz), abordant des interrogations demeurant sans réponse, comme « Qui est responsable des responsables ? », œuvre en poudre d'acier aimantée restituant un silence trop lourd.
Se positionnant dans le sillage de Brecht et Warburg, le travail minutieux de Christelle Franc constitue un remontage incessant de mots et de fragments d'image, tandis que celui d'Éric Manigaud plonge dans les ombres de l'histoire politique, recopiant à l'identique au crayon graphite des photos témoignant du massacre du 17 octobre 1961 à Paris ou de l'esclavagisme belge au Congo.
h(H)istoires par Jean-Marc Cerino, Nicolas Daubanes, Christelle Franc et Éric Manigaud
À la Fondation Bullukian jusqu'au 29 juin