On devrait tous signer un mandat de protection future !

La dépendance est l'affaire de tous ! Il n'est en effet plus nécessaire de prouver que nous vivons plus âgés en France et que la dépendance est un sujet qui nous concerne tous, à plus ou moins court terme.


Force est de constater que la génération du baby-boom de l'après-guerre arrivera progressivement vers le grand âge entre les années 2025 et 2030, puisque cette tranche de la population fêtera son 80e anniversaire au cours de cette période.

L'arrivée vers le grand âge impose de se poser la question, soit pour soi-même, soit pour ses proches concernés par l'entrée dans cette période, de l'éventuelle perte d'autonomie et de la dépendance vis-à-vis d'autrui. Certes, nous sommes tous amenés à être concernés par le grand âge, mais nous sommes aussi tous des potentiels incapables en devenir à court, moyen ou long terme. Cette incapacité peut survenir plus tôt que prévu, soit par la survenance inattendue d'une maladie, soit par un accident. Ce constat ne doit pas être pris négativement, mais avec responsabilité, pour éviter à nos proches de subir notre manque d'anticipation.

Quand sommes-nous considérés comme incapables ?

L'incapacité peut se définir comme la réduction, partielle ou totale, temporaire ou définitive, de pouvoir jouir d'un droit ou de l'exercer. Cette incapacité peut prendre plusieurs formes : physique (corporelle) ou mentale (cognitive). Lorsque nous ne sommes plus en mesure d'exercer personnellement nos droits et nos devoirs, nos proches sont amenés à se poser la question de notre placement sous une mesure de protection pour éviter tout abus de faiblesse.

Nombre de personnes se trouvent démunies, lorsqu'elles constatent, impuissantes, qu'aucune anticipation n'a été prise. Nous pensons régulièrement à anticiper notre transmission de patrimoine (donation), à organiser notre succession (testament, changement de régime matrimonial, donation entre époux), mais pensons-nous à anticiper notre incapacité potentielle ?

Gare à l'absence d'anticipation !

Pour mettre en place une mesure de protection, en l'absence d'anticipation, il convient d'obtenir une décision rendue par la voie judiciaire dont le délai ne cesse de s'accroître. Quelle que soit la mesure prononcée par le juge (tutelle, ou habilitation familiale), le délai de mise en place d'une mesure de protection judiciaire en faveur d'un incapable majeur est extrêmement variable d'une instance à l'autre. Le délai d'obtention d'une décision de placement sous mesure de protection judiciaire prend en moyenne entre six mois et un an et demi.

Aujourd'hui, ce délai ne risque pas de se réduire, compte tenu notamment du nombre de personnes entrant dans la période du grand âge. En l'absence d'anticipation, c'est donc le juge qui décidera en définitive du choix de la mesure de protection la plus appropriée et du représentant de la personne incapable à protéger, après avoir pris le soin d'auditionner la personne à protéger et ses proches (conjoint et enfants).

L'urgence de santé publique : la signature d'un mandat de protection future

Il est donc urgent d'agir, en anticipant le fait d'être confronté à cette situation. La solution existe, il s'agit d'établir un mandant de protection future. Cet outil a été créé par la loi du 5 mars 2007. Il permet d'anticiper une incapacité à venir. Il s'agit pour la personne dénommée « mandant » de désigner à l'avance une autre personne identifiée et dénommée « mandataire » qui sera chargée de gérer ses affaires, le jour où elle ne sera plus en mesure de le faire par elle-même, soit sur le plan personnel, soit sur le plan patrimonial ou bien même sur les deux plans.

Bien entendu la question cruciale et délicate pour le mandant demeure dans le choix de son ou ses mandataires. Le mandat de protection future est aujourd'hui trop peu connu du grand public, alors qu'il est un moyen de choisir par avance, soit même, son propre représentant (mandataire), lorsque nous ne disposerons plus de toutes nos facultés.

Ce mandat sera d'autant plus personnalisé, individualisé et pertinent si vous l'établissez avec le concours de votre notaire qui saura vous accompagner et vous éclairer pour ce moment particulier d'anticipation, devant prendre en compte les différentes sphères de votre vie personnelle, patrimoniale, professionnelle, conjugale et familiale.

Tant que nous conservons toutes nos capacités, ce mandat est passif. Pour rendre actif le mandat, notre mandataire se présentera personnellement au greffe du tribunal judiciaire du lieu du domicile de la personne à protéger. Il se rendra au greffe du tribunal, dans la mesure du possible avec le mandant, muni du mandat et du certificat médical datant de moins de deux mois.

Ce certificat médical est délivré par un médecin expert inscrit sur une liste établie par le procureur de la république constatant l'altération des facultés de l'incapable. À la sortie du greffe du tribunal, le mandat deviendra actif. Contrairement au délai de mise en place d'une mesure de protection judiciaire, l'activation du mandat de protection future peut se réaliser dans un délai raisonnable compris entre un et trois mois, à compter du constat par le mandataire de la dégradation de l'état de santé du mandant au point de devoir être représenté.

Le mandat actif, un outil de gestion personnalisé d'orfèvrerie !

Ce délai rapide d'activation du mandat de protection future prend tout son sens et fait la force de cet outil de protection en direction de la personne à protéger.

En pratique, le mandataire devant prendre le relais de la personne à protéger, il doit souvent et urgemment prendre des dispositions de premiers plans : recruter des aides à domicile, souscrire à des aides financières, commanditer la réalisation de travaux pour adapter le logement, procéder à des arbitrages financiers sur les comptes pour dégager des liquidités, obtenir une place en maison de retraite.

Le mandataire qui accepte cette lourde charge en matière de responsabilité, lors de la signature de l'acte, sera très souvent un proche qui réalisera l'ensemble de ces missions gratuitement, compte tenu du lien affectif et du lien de confiance qui l'unit au mandant.

Lors de la signature de ce mandat de protection future, un certain nombre des sujets importants de la vie à venir de la personne à protéger auront été abordés en amont entre le mandat et le mandataire pour permettre à ce dernier de se positionner avec justesse, le moment venu, pour le compte du mandant. Le notaire présent pour recueillir la signature du mandat de protection future ne manquera pas de sensibiliser les deux parties à ce sujet.

Comme nous pouvons le constater, ce mandat est un formidable outil de prise en charge souvent intergénérationnel. Il est flexible et adaptable, étant donné que le mandant peut désigner des mandataires différents : l'un pour gérer son patrimoine et l'autre pour gérer son parcours de vie ou de soin.

Que le mandant soit une personne isolée sans famille ou bien entouré d'une famille aidante ou distante, le choix anticipé et programmé du mandataire viendra pacifier les relations avec l'entourage de la personne devenue incapable.

Un mandat pertinent pour le grand âge, mais aussi pour les actifs !

Nous avons évoqué jusqu'alors exclusivement la situation des personnes concernées par le grand âge. Pour finir de convaincre les personnes encore réticentes à signer leur mandat de protection future, nous pouvons aussi évoquer la situation des dirigeants d'entreprise ou « personne clé » dans leur entreprise.

Ces dernières, en perdant brutalement leur capacité, au cours de leur carrière professionnelle, entraînent dans l'immobilisme l'entreprise qu'ils géraient. Or, le monde entrepreneurial ne crée de la richesse que dans l'action et non dans la sédation.

Il est vital que l'entreprise perdure avec un mandataire qui aura été choisi en amont sur le volet pour reprendre les commandes de la société. En maintenant l'activité et la richesse de l'entreprise, le mandant protège ainsi efficacement, provisoirement ou dans la durée, son patrimoine et sa famille, le temps que durera son incapacité.


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