La rémunération des dirigeants dans les sociétés d'exercice libéral

Le bulletin officiel des finances publiques – impôts (Bofip) du 27 décembre 2023 acte la date d'application des nouvelles modalités d'imposition des rémunérations des associés de SEL au 1er janvier 2024.


En effet, les rémunérations des associés de SEL suivaient, depuis 1996, le régime des traitements et salaires conformément aux dispositions de l'article 62 du Code général des impôts (CGI), mais provoquaient a priori une déperdition fiscale du fait de l'abattement limité de 10 %, applicable à la part de la rémunération qui fait désormais l'objet d'une nouvelle qualification.

Le Conseil d'État a estimé que ces rémunérations techniques, en l'absence de lien de subordination, devaient suivre les règles fiscales des bénéfices non commerciaux (BNC). Cette meilleure clarté fiscale est assombrie par l'émergence de rescrits et de jurisprudences sociaux préoccupants.

Nous allons vous présenter le traitement social de cette nouvelle réforme, puis nous étudierons les enjeux fiscaux.

Nous pouvons en effet nous interroger sur les difficultés qu'elle va apporter.

À noter que cette réforme ne s'applique pas aux sociétés de droit commun pour l'instant.

Traitement social

Dans un premier temps, le traitement social des rémunérations de dirigeants et des associés de société d'exercice libéral (SEL) sera détaillé et analysé.

Il convient d'étudier la situation du dirigeant de SEL en fonction de critères précis :

– selon la forme juridique de la société (Selarl, Selas, Selafa, Selca…)

– selon le type d'imposition de la société (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés).

Le régime de la sécurité sociale des indépendants (ou travailleur non salarié) s'applique :

– sur la rémunération du gérant majoritaire de Selarl et gérants de Selca ;

– sur les dividendes perçus, excédant 10 % du capital social, des primes d'émission et des comptes courants, pour les dirigeants de Selarl, Selafa et Selas soumises à l'impôt sur les sociétés ;

– sur les autres rémunérations issues de l'activité « libérale » pour les dirigeants de Selarl, Selafa et Selas soumises à l'impôt sur les sociétés.

Le régime social des assimilés salariés s'applique :

– sur la rémunération des dirigeants de Selafa et Selas ;

– sur la rémunération du gérant minoritaire de Selarl.

Le dirigeant peut donc être affilié à deux régimes selon sa situation.

Concernant le cas des associés de SEL (non-mandataire social), le traitement social va dépendre du fait qu'un lien de subordination avec le mandataire social soit identifié ou non. Si le lien de subordination est avéré, la rémunération sera soumise au régime social des assimilés salariés. Dans le cas contraire, le régime des indépendants s'appliquera.

L'administration apporte une précision concernant le régime social des assimilés salariés : rien ne s'oppose à ce qu'ils puissent bénéficier du dispositif d'épargne salariale en tant que dirigeant.

Traitement fiscal au regard de l'impôt sur le revenu du dirigeant dans les SEL

La rémunération des dirigeants de SEL peut être compartimentée eu deux parties : rémunération technique et rémunération du « mandat social ».

La distinction entre les fonctions techniques et les fonctions de direction, ainsi que la détermination ou non d'un lien de subordination, va permettre d'appliquer ou non la réforme à jour du 1er janvier 2024. En effet, la réforme s'applique uniquement aux rémunérations techniques.

Cette réforme impose que les rémunérations des dirigeants de SEL soient taxables dès à présent dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC).

Cette réforme ne s'appliquant pas aux rémunérations liées au mandat social, il est difficile dans la pratique de mettre en avant les preuves permettant de distinguer les fonctions techniques des fonctions de direction.

Dans les faits, si un lien de subordination :

– existe entre l'associé et la société, les revenus seront taxés dans la catégorie des traitements et salaires (c'est-à-dire le traitement fiscal qui s'appliquait jusqu'au 31 décembre 2023) ;

– n'est pas identifiable, les revenus seront taxés dans la catégorie des BNC.

Concrètement et pour les gérants majoritaires de Selarl et gérants de Selca, si vous n'êtes pas capables de justifier de la quote-part entre votre mandat social et les fonctions techniques, l'administration fiscale a accordé un forfait de 5 % pour la rémunération du mandat social.

Les dirigeants de Selafa et Selas voient leur rémunération au titre de leur mandat social, imposée également dans la catégorie des traitements et salaires.

Le fait que les rémunérations soient dorénavant taxées dans la catégorie des BNC implique des changements dans l'appréhension du revenu déductible du dirigeant.

Le dirigeant concerné par cette réforme devra s'immatriculer en tant que BNC.

Au regard de la facturation, il n'y aura aucune obligation pour le professionnel de procéder à l'émission d'une facture, toutefois il sera nécessaire d'établir un document permettant de justifier la déductibilité de l'opération.

Au regard de la TVA, au même titre que pour la facturation, l'administration rappelle que c'est bien la SEL qui exerce la profession en cause par l'intermédiaire des associés. Dans ces conditions, et dans la mesure où ce n'est pas l'associé qui supporte le risque économique mais bien la société, l'associé ne peut être regardé comme un assujetti à la TVA. Cette prestation technique n'entre donc pas dans le champ d'application de la TVA.

Au regard de la CFE, l'imposition est établie au nom de la personne qui exerce l'activité libérale, c'est-à-dire par la SEL. Le BNC ne sera donc pas soumis à la CFE.

Enfin, concernant les obligations déclaratives du professionnel au regard de sa rémunération globale :

– concernant sa rémunération perçue en tant que mandataire social (soit 5 % octroyés par l'administration fiscale), il devra déclarer cette somme sur la 2042 en traitements et salaires ;

– concernant sa rémunération perçue en contrepartie de ses fonctions techniques (soit 95 %) il devra établir une déclaration N° 2035 et déclarer ses revenus sur la déclaration 2042 C-PRO dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Afin de pouvoir déposer une déclaration 2035, le professionnel devra se faire immatriculer via le Guichet Unique afin d'obtenir un numéro Siret.

Sous réserve de respecter les seuils en vigueur (77 700 euros au titre des revenus 2024), les associés de SEL pourront déclarer ce revenu en micro-BNC. Pour l'appréciation de ce seuil, il conviendra de retenir la rémunération versée par la SEL mais également les dépenses professionnelles de l'associé prises en charge par la SEL.

Une dernière précision concernant les honoraires rétrocédés par une SEL aux associés d'une SPFPL, l'administration précise que lorsque la SEL verse directement une rémunération à l'associé d'une société de participations financières de professions libérales (SPFPL) au titre de son activité professionnelle au sein de cette SEL, cette rémunération relève également de la catégorie des BNC.

Nous attirons votre attention sur les récentes décisions de la Cour de cassation qui provoquent des inquiétudes quant à la soumission aux cotisations sociales des dividendes versés par une SEL à une SPFPL.

En conclusion

Compte tenu des différents points évoqués ci-dessus, il est important d'être entouré de professionnels. En effet, cette réforme n'est pas anodine et entraîne des répercussions sur le quotidien des dirigeants de SEL. Il reste encore des points techniques à éclaircir.

Nous vous invitons donc à prendre attache auprès de votre expert-comptable et de tout autre professionnel qui pourrait vous accompagner dans la mise en œuvre de cette réforme.


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