Le regard halluciné de Tristan Chinal-Dargent

Fruit d'une résidence à Moly-Sabata, l'exposition As an owl in the daylight investit les salles de l'espace d'art contemporain du quai de la Pêcherie jusqu'au 27 juillet.


La BF15 confirme son désir de confronter regardant et regardé en présentant l'exposition de Tristan Chinal-Dargent, voyage imaginaire traversé de zones d'ombre et de lumière.

Dialoguer, en silence

Un gigantesque hibou trône sur le mur qui fait face à l'entrée. Son regard, à la fois inquiétant et bienveillant, semble provenir d'un lointain temporel et spatial. Un regard sage qui s'abstient de tout jugement, se limitant à acquiescer au souhait du public de découvrir la suite. La visite peut donc se poursuivre sous ce regard creux, occasionnant la rencontre avec plusieurs personnages peints à l'encre de Chine, montrant leur dos. Ici, la connotation laisse place à la dénotation.

Privé d'un eye contact imaginaire, notre regard se trouve délivré de l'échange égalitaire pour se promener librement sur la face cachée de ses personnages anonymes. Rapidement, il nous semble percevoir un bourdonnement discret mais continu : un dialogue s'est instauré, malgré tout, entre les figures de dos, comme si les traits si bien définis des coiffures participaient à faire résonner un échange non verbal mais incarné dans une sonorité physique.

Vue de l'exposition "Tristan Chinal-Dargent, As an owl in the daylight", encre de Chine sur papiers, dimensions variables, 2024. Production La BF15. Photo Cyrille Cauvet

Où sommes-nous ici ?

Mais dans quel monde évolue-t-on ? Est-il celui de la BD ? De la science-fiction ? Du cinéma ? Nous sommes ici à la conjonction entre plusieurs univers qui cohabitent parfaitement chez Chinal-Dargent. Le rêve se mue en cauchemar, plongeant dans la série des 46 petits formats qui complètent la traversée visuelle des salles. Les images se brouillent, s'écrasent, s'ouvrent, laissant la place à des grands pans blancs, zones de liberté et de possibilité d'investissement imaginaire. Faut-il les combler ou les laisser dans leur blancheur ?

Vue de l'exposition "Tristan Chinal-Dargent,  As an owl in the daylight", encre de Chine sur papiers, dimensions variables, 2024. Production La BF15. Photo Cyrille Cauvet

Plonger dans la lumière

Malgré une esthétique rappelant le neuvième art, visiter l'expo ne s'apparente pas au geste de feuilleter une BD, mais plutôt à l'action de pénétrer dans un univers fragmenté, composé par des parcelles lumineuses et cryptiques.

L'élégance du trait sublime l'imaginaire fantastique de ce 5e lauréat de l'appel à projet initié en 2014 par la BF15, l'élevant à une expérience de recherche, de reconnaissance et de perte dans les plis de l'histoire du regard. Comme un hibou dans la lumière du jour, vacillant, permet d'accéder à une connaissance profonde et hallucinatoire.

Vue de l'exposition "Tristan Chinal-Dargent,  As an owl in the daylight", encre de Chine sur papiers, dimensions variables, 2024. Production La BF15. Photo Cyrille Cauvet


As an owl in the daylight
par Tristan Chinal-Dargent
À la BF15 jusqu'au 27 juillet


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