Les Pistolets en plastique

Plus ouverte que sa précédente, la dernière réalisation de Jean-Christophe Meurisse revisite l'affaire Dupont de Ligonnès entre absurde et décalage, hilarité et malaise. Une comédie drôle et inspirée qui n'oublie jamais de questionner la France derrière sa légèreté apparente et toute relative.


Électron libre sur les planches depuis près de vingt ans avec sa compagnie les Chiens de Navarre, Jean-Christophe Meurisse continue d'insuffler un vent de fraîcheur et d'anarchie au paysage policé de la comédie française. Il esquisse une ligne de conduite déjà en vigueur sur Oranges sanguines : laisser la place à des têtes d'affiches pour des caméos (très drôles), confier l'espace central du récit à des comédiens et comédiennes moins identifiés, pour la plupart formidables.

Les Pistolets en plastique jouit d'une direction d'acteurs rigoureuse (ruptures de tons virtuoses, improvisations délicieuses), ainsi que d'une intrigue inspirée de faits avérés (l'arrestation de Guy Joao en 2019, lamentablement pris pour Xavier Dupont de Ligonnès à Glasgow) malicieusement détournés.

Mes chers voisins

La fascination pour les histoires sordides, la tentation d'un tribunal médiatique ou encore le racisme et l'homophobie ordinaires, sont au programme de ce jeu de massacre.

Rien ni personne n'échappe à l'esprit grinçant du réalisateur, ni une femme enceinte trop envahissante, ni une institution policière au manque de moyens coupables et grotesques. Pour autant, le rire n'est jamais facile, à l'instar d'une visite chez un voisin se jouant d'attentes quasi horrifiques pour mieux les désamorcer une par une avant de se conclure dans une image de tendresse.

Une illustration parfaite du règne de la suspicion généralisée et de la peur de son prochain. Le temps d'une autopsie inaugurale, il feint d'imiter les codes de l'humour hexagonal pour mieux les dynamiter et les ensauvager. En confrontant un visage familier de son univers (Fred Tousch) à un profil bankable (Jonathan Cohen), il utilise les repères de son spectateur afin de les détourner vers un dessein plus personnel.

Justice sauvage

Les premières séquences héritées du sketch télé façon esprit Canal et du pastiche cinéma servent de présentations successives des personnages principaux. Un profiler renommé en vacances, un innocent irascible pris pour un tueur en série, deux enquêtrices amatrices et un individu non identifié apparemment charmant se rencontrent.

En dépit d'un ventre mou en milieu de récit, Les Pistolets en plastique réserve son lot de scènes choc. Meurisse répond ainsi à la conclusion controversée d'Oranges sanguines par une scène miroir, un véritable double inversé aussi brutal qu'inattendu.

Il n'hésite pas non plus à se frotter aux codes d'un pur film de genre lors d'un flashback glaçant. Débarrassé de ses oripeaux « grand public », il montre l'horreur sans distance ni ironie. Le cinéaste profite de sa comédie en trompe-l'œil pour y injecter une vision noire, âcre et jouissive pour élargir progressivement son périmètre d'action.

Les Pistolets en plastique
De Jean-Christophe Meurisse (France, 1h36) avec Laurent Stocker, Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Jonathan Cohen...
En salles le 12 juin 2024


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