Résistance et adolescence, d'un point de vue social et éthique, nous savons tous que le jean n'est pas un vêtement très propre : par définition il décomplexe notre système économique. On le croit, il dénonce, clouté, à paillette ou baggy, il enraye et ravive les questions utopistes à chaque coin de rue.
Quarante ans de collaboration entre les stylistes-designers Marithé et François Girbaud, ça nous rémène dans les années 60. L'exposition « L'autre jean », affiche le denim au Musée d'art et d'industrie et c'est jusqu'au 6 mai 2013. Incarnation urbaine, il colle, dénude ou gaine. Il fait toujours du bruit, branché, mythique et désinvolte, il sublime le temps et nourrit les symboles, souvent en éloge à la résistance. Au-delà des circonstances alternatives à son intégration dans le domaine de l'industrie, le jean est toujours le messager incontournable d'antan. On enfile son jean, avec difficulté, on s'apprête à quitter la fameuse entre jambe pour enfin admettre de finir par le laver. Le jean, on le prête, on le fuse jusqu'à la moelle, même avec les toiles les plus extras résistantes ! L'objet fétiche et transitionnel, l'incontournable seconde peau nous accompagne fidèlement depuis plusieurs générations dans chaque étape de notre vie. Si porter un jean n'est plus vraiment un signe contestataire, il mûrit, se décline, se coupe, se fond dans les habitus. 1964 marque l'année de la rencontre de François Girbaud et Marithé Bachellerie. L'un vient du Tarn, fils d'ouvriers textile fondu de musique rock, l'autre est originaire de Lyon.
A l'époque, François Girbaud, travaille à Paris, et tous deux décident de se lancer dans les affaires avec l'idée du passage intermédiaire dans la vente du jean, l'invention du stonewash ! Mystère, doctrine, révolution ou utopie, la toile a fait son chemin. Au départ utilisée sur les campements, fin XIXe, c'est l'alchimie de la paire de jambe taillée dans la toile de tente qui métamorphose les gambettes des chercheurs d'or. Le jean vedette s'entiche du don d'élixir de longue vie au fil des années. La fameuse fermeture éclair rock and roll de la pochette des Stones Sticky Fingers n'est pas innocente. Andy Wharoll ne s'y est pas trompé, elle endigue les esprits, le tambour, et le rythme des pierres impressionne les mémoires collectives. Idyllique dans les années 50 avec James Dean et Marilyn Monroe. François et Marithé Girbaud engendrent les prolongations non pas seulement, avec le délavage du jean, la coupe aussi en aura pour son compte. Chemin faisant, on découvrira aussi que les Girbaud ont également créés des modèles cultes avec des étiquettes fixées sur la braguette (1975) ou les poches en X (1981). En 1999, ils renversent leur procédé : l'inverse du stonewashed s'impose, c'est le Blue Eternal, un jean indigo qui ne se délave pas. Aujourd'hui, grâce à quatre-vingt-dix tenues et un panel de manuscrits, croquis, vidéos, et d'entretiens réalisés par les créateurs, nous sommes accompagnés dans une visite mémorable. Pour l'anecdote, nous nous rappellerons que pour des raisons plus écologiques, chez François et Marithé Girbaud, depuis 2003, le délavage lapidaire de la toile denim, est exclusivement réalisé grâce au laser !
« L'autre jean », Marithé+François Girbaud, jusqu'au 6 mai 2013 au Musée d'Art et d'Industrie