Exploitation cinématographique à Saint-Étienne : où en est-on ?

Exploitation cinématographique à Saint-Étienne : où en est-on ?

Un an après notre dernier focus sur l'état des lieux du cinéma à Saint-Étienne, la situation a sensiblement évolué, hélas pas en faveur des opérateurs. Entre le désamour conjoncturel du public et un marché en reconfiguration perpétuelle, la fin du feuilleton n'est pas encore écrite... Vincent Raymond

Avec une fréquentation en baisse de 14% (1) par rapport à 2014 début octobre, c'est un peu la Bérézina pour l'exploitation cinématographique stéphanoise. Certes, le contexte est morose pour tout le monde, notamment du fait de l'absence de film porteur depuis la rentrée, et les salles attendent avec gourmandise les sorties phares que sont 007 Spectre ou Star Wars pour se refaire sinon le moral, du moins de la trésorerie avant la fin de l'année civile. Mais cette évolution négative est la plus importante parmi les trente premières agglomérations hexagonales — et, symboliquement, la seule à deux chiffres. Cela, malgré des écrans supplémentaires, puisque le volume du parc intra muros a augmenté grâce à l'ouverture du Camion rouge.

Pin-pon !

Sylvie Duparc, à la tête de ce multiplexe flambant neuf de 10 salles, (mais aussi de l'Alhambra, ex-Gaumont, tous deux programmés par Pathé, ainsi que de salles dijonnaises), reconnaît qu'elle « n'est pas dans [ses] objectifs ». « 2015 n'est pas une vraie année : on a été un peu pénalisés pendant les 8 premiers mois, explique-t-elle. Notamment par des retards de travaux dans l'ensemble d'immeubles auquel appartient le Camion rouge. Et puis, la Ville a refait le parvis en été, donnant l'impression que tout n'était pas fini. » Dans le même temps, l'Alhambra a été secoué par de nombreux problèmes sociaux qui ont, selon l'exploitante bourguignonne, « nui à l'image du site. Le public a été mécontent de la semaine grève ; il y a eu un impact évident. » Elle dénonce également de « fausses rumeurs liées à la sécurité » sur ses deux sites. Heureusement, octobre a ramené les étudiants en ville et « effacé le passif ». Pour le reste, Sylvie Duparc mise sur « la projection laser et le son 7.1 du Camion rouge ». Et des films attrayants, sans doute aussi.

Inquiétudes

Aux Méliès, ce sont désormais deux sites qui affrontent l'érosion du public — qu'il faut considérer à la loupe. « Si nous perdons au global 15%, c'est que nous avons fait le choix de reporter les films les plus porteurs sur le Méliès Saint-François, qui se trouve de fait en hausse de 26%, explique le directeur, Paul-Marie Claret. C'était une manière pour nous de prouver qu'on pouvait créer des entrées dans un quartier en déficit d'animation. » Notons au passage que les chiffres de billetterie CNC ne tiennent pas compte des nombreux événements ou festivals accueillis (Tournez court, Face à Face etc.). Par essence " art et essai ", les deux lieux réalisent en règle générale les meilleurs résultats de la ville pour les films bénéficiant de cette estampille : pour le public, il y a une adéquation implicite entre œuvre exigeante et programmation des Méliès. Toujours en quête « d'émulsions » nouvelles avec ses spectateurs, Paul-Marie Claret se bat pour garantir une pluralité d'offre cinéphile — comme le fait de pouvoir diffuser des films d'auteur à grand spectacle en v.o. — et donc continuer à « redynamiser le centre ». Car moins d'entrées entraîne, suivant la théorie des dominos, du manque à gagner pour les commerces alentour. Inutile de détailler les conséquences funestes d'une perte de chiffre d'affaires sur l'économie locale...

À l'Ouest et à l'Est, du nouveau

D'autant que de nouvelles concurrences fourbissent leurs armes aux portes de la ville. À Saint-Just Saint-Rambert, l'association qui gère le cinéma Le Family a compté ses sous et réuni de quoi bâtir un 7 salles tout neuf en remplacement de leur équipement actuel. Charles Dufour, le président de la structure, envisageait même 9 écrans, mais le projet a été retoqué par les instances professionnelles. Avec ses 1 277 fauteuils, le site qui se situe sur la zone de chalandise stéphanoise, aura un impact certain sur ses confrères : « l'étude de marché prévoit 225 000 spectateurs après l'ouverture en septembre 2016, 250 000 en vitesse de croisière, détaille Charles Dufour » Des chiffres modestes, étant donné l'attractivité à venir. Car le Family, qui fonctionne avec un mixte bénévoles-salariés peut pratiquer des prix bas et compte sur le mécénat ainsi que sur un crowdfunding (sur Kisskissbankbank) pour se doter d'atouts supplémentaires : 1 à 3 salles équipées en son Atmos, outils d'accueil renforcés pour les personnes en situation de handicap etc. À Saint-Chamond enfin, c'est en 2018 que le Ciné Lumière devrait à son tour augmenter sa capacité — l'autorisation vient d'être accordée par la DRAC — qui passera de 2 à 6 écrans. Parmi les partenaires de cette opération figure Sylvie Duparc. Espère-t-elle reconquérir par l'extérieur les spectateurs désertant la ville-centre ? Les prochains mois s'avèrent en tout cas tendus pour les acteurs de l'exploitation stéphanoise. Et ce ne sera pas du cinéma...

(1) Source Film Français.

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