« Ne nous promenons pas près des bois, quand la sorcière y a son chez soi » pourraient chantonner les jeunes protagonistes de ce thriller pour Amish, à la maîtrise redoutable et au jeu impressionnant. Puritains s'abstenir.
On pense avoir épuisé le registre des films centrés sur des communautés religieuses archaïques, puritaines ou ultra-rigoristes, des Sorcières de Salem au Village en passant par Witness. Et puis on découvre Red State (2012) et The Witch ; deux décharges électriques qui jouent la carte d'un réalisme cinglant tout en arpentant les terres innombrables et fécondes du cinéma de genre.
Construit à partir d'une collection de récits et de légendes du XVIIe siècle — une époque où la superstition et la malveillance étaient promptes à transformer le moindre fait inexpliqué en événement irrationnel d'essence diabolique — The Witch séduit d'abord par son absolue radicalité, ainsi que par sa préférence pour la suggestion, pour l'ellipse. Si le contexte devient rapidement étouffant, puis inquiétant, c'est grâce à un ensemble d'éléments objectifs (les huis clos, les plans posés...) auxquels se greffent des adjuvants plus inconscients : le sentiment de culpabilité grandissant du père et sa voix d'infra-basse, ou le fait d'être face à des comédiens inconnus dans lesquels on ne peut rien projeter, hormis l'histoire.
Ce sont d'ailleurs les interprètes des gamins qui emportent le morceau, d'autant plus brillamment que leur partition n'a rien d'aisée : ils jouent le trouble, mais aussi la possession avec une conviction hallucinante, très éloignée des prestations aseptisées dont nous gratifient les singes savants biberonnés par les studios hollywoodiens. À eux deux, ils feraient presque croire en l'existence d'enfants comédiens non formatés. Donc, aux sorcières.
The Witch de Robert Eggers (Fr, 1h28) avec Anya Taylor Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie...