À travers une quarantaine d'œuvres, le Musée d'art moderne et contemporain retrace le parcours artistique atypique d'Anne et Patrick Poirier. Une rétrospective placée sous le signe de la fragilité et de la poésie des choses... Jean-Emmanuel Denave
Artistes aux semelles de vent, Anne et Patrick Poirier vivent et travaillent ensemble depuis une cinquantaine d'années, après s'être rencontrés au Louvre devant le tableau Et in Arcadia ego de Nicolas Poussin... Passionnés de psychanalyse, de littérature, d'archéologie et d'architecture, ils travaillent pourtant sans méthode ni théorie a priori. « Quand nous visitons des villes ou des sites archéologiques, déclarent les artistes dans un entretien pour le catalogue de leur exposition, chacun suit son chemin, le plus souvent armé d'un appareil photo et de papier pour écrire. Le soir, quand nous nous retrouvons, nous échangeons nos impressions, nos sentiments, nos réflexions, enfin tout ce que nous avons noté en chemin. » Ensuite, lentement, de ces échanges, naîtront des installations réalisées à quatre mains et souvent de grande dimension. La fragilité de l'être est le fil rouge de l'œuvre des Poirier et se décline en plusieurs thématiques comme « la fragilité de la culture, de la mémoire culturelle, des choses, de la nature et des êtres vivants, mais aussi le désir de mieux comprendre les mécanismes de la mémoire, non comme un phénoménologue ou un naturaliste, mais comme un artiste, à un niveau plus poétique et psychologique ».
Dialogues
Parmi les œuvres exposées au MAMC (des installations essentiellement, mais aussi des photographies, des dessins, des tapis...), certaines ont davantage retenu notre attention : tout particulièrement ces "grandes maquettes" de sites imaginaires du passé ou du futur. En 1977, lors d'un long séjour à Rome, Anne et Patrick Poirier composent notamment l'impressionnante Construction IV, plongeant dans une eau glauque et dans l'obscurité des ruines figées, « un grand rêve noir où se mêlaient des vestiges archéologiques provenant de civilisations diverses qui se seraient échouées là, sur ce rivage des Syrtes... » Vingt ans plus tard, en 2000, pour la Biennale de Lyon, les artistes imaginent Exotica, une ville monstre et totalement peinte en noir, dévorée par la pollution, le productivisme, la paranoïa sécuritaire et militaire... Ces deux installations semblent dialoguer entre elles, comme nombre des œuvres des Poirier qui font se rencontrer différentes strates du temps, différentes cultures, différentes géographies. Et font se confondre espaces physiques et espaces psychiques.
Anne et Patrick Poirier, Danger zones, jusqu'au 29 janvier 2017 au Musée d'art moderne et contemporain