Découverte / Anne-Charlotte Deloume exerce un métier peu connu en France : art thérapeuthe. Diplômée d'État, elle exerce sa profession en plein coeur du centre-ville de Saint-Étienne tout en gérant un atelier de pratiques artistiques : l'Atelier de la Création. Nous avons essayé d'en savoir un peu plus sur ce métier en allant directement la rencontrer.
Pouvez-vous nous donner une définition simple de l'art-thérapie ?
Anne-Charlotte Deloume : Je vais vous donner la définition de l'art-thérapie moderne, car c'est ce que je pratique. Cette discipline correspond à l'exploitation du potentiel artistique à visée thérapeutique et humanitaire. L'art-thérapie moderne existe depuis très longtemps, mais a été reconnue par l'État seulement depuis quelques années.
Quelles disciplines artistiques sont utilisées en art-thérapie ?
C'est assez large : la musique, le théâtre, le chant, le modelage, le dessin, la peinture... Ça concerne finalement tous les arts. Chaque art thérapeute possède sa "dominante". Pour ma part, je suis plutôt orientée vers l'art plastique étant diplômée en art plastique. Il m'arrive également de faire appel à la musique pour une thérapie.
« Une forme d'acceptation et une revalorisation de l'estime de soi. »
À qui s'adresse l'art-thérapie ?
L'art-thérapie couvre tous les handicaps, qu'ils soient physiques, psychiques ou sociaux. Cela s'adresse à toutes les personnes qui ressentent un mal-être, depuis le petit coup de blues de l'hiver aux grosses dépressions... C'est vraiment très large.
L'art-thérapie permet à certaines personnes de s'exprimer par l'art quand ils n'y arrivent pas ou peu par d'autres moyens ?
C'est surtout un moyen de se faire du bien. Ce n'est pas "quelqu'un qui ne parle pas, alors on va lui faire faire de l'art" car il peut se plaire dans son mutisme. Mais c'est surtout lui permettre d'aller mieux, chercher à ce qu'il ne soit pas handicapé par le fait qu'il ne parle plus. C'est une forme d'acceptation et une revalorisation de l'estime de soi. C'est vraiment dans cet esprit-là que je travaille.
Comment se déroule une séance d'art-thérapie ?
Dans un premier temps, j'explique ce qu'est l'art-thérapie et les bienfaits que cette discipline peut entraîner. La personne m'explique en parallèle pourquoi elle se tourne vers l'art-thérapie, ce qu'elle attend de cette démarche. Après, je fais une "séance d'ouverture" d'une heure en général où je propose de nombreux matériaux et de pratiques - peinture, modelage, dessin. Cela permet de définir ce que la personne aime ou n'aime pas. Certains vont prendre du plaisir avec un crayon alors que d'autres ressentiront un bienfait direct via le modelage. Cette première séance me permet de découvrir la personne, via son anamnèse, voir pourquoi et comment elle en est arrivée là aujourd'hui. Il y a un important dossier à constituer avant de pouvoir s'engager des ateliers d'art-thérapie.
Est-ce que vous l'art-thérapie peut se pratiquer en groupe ?
Oui, tout à fait. En groupe, il est possible de travailler sur les relations humaines, la communication. Pour des pathologies très lourdes, nous commençons en général par des ateliers individuels avec, pourquoi pas, pour objectif, l'intégration à un atelier en groupe un peu plus tard.
Est-ce que l'art-thérapie est présente dans des établissements de santé ou est-elle seulement pratiquée par des indépendants comme vous ?
L'art-thérapie existe partout. Notre profession est rattachée de la même manière que peuvent l'être des ergothérapeutes. Nous faisons de la "rééducation du psychisme". Les art-thérapeuthes sont présents dans les hôpitaux, les services psychiatriques, dans les IME (Instituts Médico-Éducatifs), des associations, des EPHAD...
« L'art-thérapie est une autre manière d'aborder le soin. »
Comment devient-on art-thérapeuthe ? Y-a-t-il des diplômes spécifiques ?
Oui. Pour ma part, j'ai suivi un cursus universitaire : un Diplôme Universitaire ou D.U. en art-thérapie à la faculté de médecine de Grenoble.
Est-ce que vous pourriez intervenir dans une entreprise, pas forcément avec des personnes malades ?
Cela existe dans les comités d'entreprise, qui font des propositions d'ateliers pour les salariés. Le terme "thérapie" fait souvent peur, mais il faut relativiser ce mot. L'art-thérapie est une autre manière d'aborder le soin. La plupart des personnes qui viennent me voir en ont marre des traitements "classiques" de psychologues, de psychiatres...
L'art-thérapie ne doit pas être bien vu par ces professions... ?
Oui, c'est sûr que la pratique de l'art-thérapie fait débat. Certains pensent que nous faisons du "loisir". Mais ce n'est pas cela l'art-thérapie. Nous effectuons un suivi important avec des fiches d'observation construites par rapport aux patients, aux objectifs... Je fais des bilans toutes les cinq séances avec les patients. En libéral, il n'existe pas d'organisme qui "surveille" mais pour ma part, il est nécessaire de faire le bilan régulièrement, de se remettre en question pour évoluer et avancer.
Peut-il y avoir des dérives ?
Oui, cela peut arriver. Certaines personnes, non diplômées, peuvent s'attribuer le statut d'"art-thérapeuthe" mais ne sont en fait que des charlatans. Cela nous fait beaucoup de tort... Je suis passée par cinq ans d'études, ce n'est pas pour rien. Cela va plus loin que ce que l'on pense. Il y a un processus à suivre avant d'arriver à pratiquer réellement.
Exposition collective De l'ombre à la lumière, vendredi 16 et samedi 17 juin (10h/18h) à l'Atelier de la Création, 4 bis rue du 4 septembre à Saint-Étienne (04 77 32 62 69)
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