Adaptation visuellement pétaradante du premier roman de Manchette & Bastid, ce pur manifeste cinématographique fascine par son inextinguible obstination à travailler la forme. Une expérience de polar à la fois vintage et contemporaine.
Après un braquage sanglant de 250kg d'or en barres, Rhino et sa bande se sont mis au vert dans la vaste ruine d'une artiste peu regardante. Mais des invités-surprises se joignent à la troupe : deux femmes, un enfant, ainsi qu'une paire de motards de la police. Ça, c'est plus gênant...
La bonne grosse mandale qui claque sur l'oreille et assourdit jusqu'à faire voir des étoiles : voilà, en substance, l'effet de souffle produit par Laissez bronzer les cadavres. Haletant dès son ouverture immersive, le troisième long métrage du duo Cattet & Forzani évoque par son foisonnement d'idées formelles et sa remise en question incessante le rejeton issu d'une union entre Pierrot le Fou, Ne nous fâchons pas et Persona.
Jouer au Éros
Peuplé de visages et de figures arrachés à tous les univers (un ex- boxeur ici, là le meneur de Trust, ailleurs une star du porno des années 1970 et partout des totems du cinéma d'auteur comme Elina Löwensohn ou Marc Barbé, le Roger Blin moderne, étrangement doux), ce shoot d'adrénaline à l'image ouvragée par Manuel Dacosse métamorphose peu à peu la violence en abstraction érotique, combinant les pulsions dans une étreinte sensorielle subjuguante.
Ô spectateur·trice ! Toi qui viens d'entrer dans la semaine la plus riche du plus qualitatif des mois cinématographiques de l'année, mesure ta chance et plus que tout ta responsabilité : toi seul·e as la faculté d'empêcher que les fragile et estimables nouveautés du 18 octobre 2017 ne s'entre-dévorent en cannibalisant leurs publics. À ce triste jeu délétère, le Petit Poucet de Cattet & Forzani serait le premier consommé et consumé : Laissez bronzer les cadavres présente tous les attributs du film underground culte, à l'exception d'une aura de malédiction commerciale, qu'il t'appartient donc de lui éviter. Ton choix de séance sera ainsi un acte militant au service de la la pluralité artistique du cinéma. Rien ne t'empêche d'aller voir d'autres films. Mais par la suite : il faut savoir sérier les priorités.