Agit’-sale / de et avec Eric Carrière & Francis Ginibre avec Bruno Lochet...
À leurs débuts, Les Chevaliers du Fiel s'étaient sans doute baptisés ainsi par dérision, en clin d'œil gamin à la série qu'ils devaient idolâtrer minots. Le temps a depuis filé, faisant son office délétère : il a ainsi comblé le duo de succès. Tant mieux pour eux, pour leur percepteur et pour Bolloré qui a trouvé avec ces faquins de quoi meubler ses tuyaux. Le duo a dû sacrifier au passage un petit quelque chose en échange de cette bonne fortune. Oh, trois fois rien quand on ne s'embarrasse pas d'un semblant de dignité : sa conscience. Las, non contents de l'oublier sur le petit écran, les deux lurons l'omettent aussi sur le grand, en reprenant leurs boucs émissaires favoris : les employés communaux, assimilés à des parasites ultimes entretenus par les représentants corrompus de la collectivité et jamais satisfaits de leurs privilèges indus.
D'une rare abjection poujadiste, ce long métrage vomit à jet continu de la haine sociale sous couvert de “galéjade”. Ni farce, ni satire, c'est une attaque mesquine enfilant les clichés anisés sur les planqués, les syndicalistes, les placardisés, les guichetiers des administrations se régalant d'abuser de leurs prérogatives en sirotant les cafés qu'ils n'ont pas encore subtilisés — avec pour pousse-digestif, l'Europe bonne poire dilapidant sans contrôle. Un bonheur de tract pro Frexit. Non, ce n'est pas le droit à la caricature que l'on conteste ici, mais l'usage qui en est fait.
Chevaliers si prompts à vous acharner sur le bas de l'échelle, que ne vous frottez-vous pas aux sommets ! Vous préférez pratiquer la diversion coutumière de ces gouvernants qui, au lieu d'étrangler l'évasion fiscale, harcèlent ou criminalisent les précaires. Et si vos victimes ne rigolent pas de vos brocards méprisants, les accuserez-vous de manquer d'humour ?
Un beau geste : arrêtez le cinéma. Trop d'yeux, d'oreilles et de consciences ont déjà souffert devant votre révulsante sotie.