Panorama ciné juin 2018 / Bientôt viendra le moment de vaquer à l'ombre, de se baquer dans l'onde... Rien de tel que l'approche de l'été pour souffler l'envie d'aller voir ailleurs ; rien de mieux qu'un film pour l'exaucer.
L'ailleurs est un territoire de connaissance pour l'enfant, qui fait l'expérience permanente de la découverte — c'est de son âge, pourvu que ça lui reste ! Mais l'ailleurs a des saveurs différentes, selon son “quelque part“ de naissance, comme l'ont chanté Brassens et Le Forestier. Pour Vittoria, fillette sarde de 10 ans, il correspond à la vie dépenaillée d'Angelica, à mille lieues de l'existence modeste mais rangée dans laquelle Tina, sa mère, veut l'élever. Sauf qu'Angelica est sa génitrice biologique... Dans Ma fille (27 juin) Laura Bispuri place la petite Vittoria dans une situation de choix impossible — adoptant souvent son point de vue, le film aurait mérité de s'appeler Mes mères — et offre à Valeria Golino un nouveau rôle de mater dolorosa faisant d'elle l'incontournable Magnani contemporaine. L'image est belle, brûlée par le soleil et le sel, mais l'histoire, imprégnée d'alcool et d'odeurs de poissons, un peu téléphonée.
Pour affronter la guerre civile, trouver de quoi manger à sa famille et tenter de soustraire son père aux geôles des talibans, la jeune Parvana dans le film d'animation de Nora Twomey (même date) n'hésite pas, comme Mulan, à se travestir en garçon — imagine-t-on monde plus étrange ? Portée en français par la voix de l'impeccable Golshifteh Farhani, cette œuvre à l'univers graphique singulièrement élégant prouve que les grandes thématiques politiques d'aujourd'hui peuvent constituer la trame d'histoires à la portée du jeune public.
Courir après les billets, bouquins, ballons...
Destiné aux adultes, Have a Nice Day (20 juin) de Liu Jian est un polar animé façon puzzle, où une sacoche de billets est subtilisée à un caïd par son chauffeur. S'engage une course-poursuite alternant séquences trépidantes ruisselant d'ultra-violence et phases contemplatives quasi-beckettiennes. Miam ! Comment a-t-il pu passer sous les fourches caudines de la censure chinoise ? Toujours animé, Le Voyage de Lila de Marcela Rincón González (6 juin) met en scène une héroïne de conte luttant avec le possesseur de son livre pour ne pas tomber dans l'oubli. Cette tendre coproduction colombo-urugayenne aux couleurs chaudes et aux décors naïfs emprunte autant à l'imaginaire mexicain (voyez Coco) qu'à l'univers des esprits japonais (souvenez-vous du Voyage de Chihiro). Elle rappellera aux grands de chérir les vestiges de leur enfance.
Tiens, puisqu'on parle de ces objets transitionnels, évoquons Le Doudou (20 juin), buddy movie où Malik Bentalha vient “aider“ Kad Merad à retrouver un précieux nounours perdu. Cette première réalisation de Philippe Mechelen & Julien Hervé se révèle bien plus sympathique que la série commise par le duo, Les Tuche. On y trouve de l'absurde, une pointe d'incorrection (le pompon pour Isabelle Sadoyan, dans son ultime rôle) et une certaine tendresse qu'assume de mieux en mieux Kad, la paupière lourde du patriarche à la Danny Glover. Il confirme donc dans la comédie populaire le virage pris avec Comme des rois.
Comédie espagnole, Champions (6 juin) se dépatouille pas trop mal d'un pari risqué : raconter comment un entraîneur de pro irascible condamné à un TIG parvient presque malgré lui à construire une équipe de basket adaptée. Javier Fesser dirige des comédiens en situation de handicap qui donnent au film sa vérité en se tenant à l'écart d'une compassion de dame-patronnesse. On progresse dans la représentation du handicap à l'écran.
Les jeunes d'aujourd'hui sont les vieux de demain
« Il faut toujours viser la lune car même en cas d'échec on atterrit dans les étoiles ». N'en déplaise à Oscar Wilde, on peut aussi s'écraser tristement, comme une bouse. C'est un peu ce que l'on se dit devant Les Affamés (27 juin), où Louane Emera (catastrophique de fausseté geignarde) tente de fédérer la jeunesse précaire, opprimée par la société aux mains des vilains vieux. Un argument digne d'une classe de 4e signé Léa Frédeval (à qui l'on recommande la lecture de Buzzatti ; il figure au programme), sur une génération fantasmant son Mai-68 en carton et cousu de gags éventés vu dans tous les films de colocs. Pour le coup, voilà qui donne envie d'aller voir ailleurs pour la Fête du cinéma (du 1er au 4 juillet).