Panorama ciné septembre 2020 / Comédies, documentaires, animation, expérimental ? Tout à la fois, et à profusion ! Et sans blockbuster ni films primés dans les festivals pour capter tous les regards, il faut laisser libre cours à sa curiosité histoire de multiplier les expériences, les sensations, les découvertes...
Non fiction
L'aventure intérieure du confinement aura-t-elle rendu plus perméable à l'écoute du monde ? Idéal pour voyager en conscience à travers l'histoire et le temps — y compris ici et maintenant —, le documentaire étend le périmètre de nos terræ cognitæ. Et nous conduit entre le Mali et Cuba à la rencontre des survivants d'un orchestre de world music avant l'heure dans Africa Mia de Richard Minier & Edouard Salier (16 septembre), sorte de Buena Vista Social Club marqué par la poisse et la mélancolie. En Macédoine, à la découverte de l'ultime apicultrice traditionnelle du pays se faisant parasiter par une famille tuyau-de-poêle s'installant à côté de chez elle dans l'intrigant Honeyland de Tamara Kotevska & Ljubomir Stefanov (même date). À Lyon, dans les coulisses d'une équipe de talents hauts : les footballeuses de l'OL raflant tous les titres de leur saison et créant leur légende devant la caméra de Stéphanie Gillard pour Les Joueuses #paslàpourdanser (depuis le 2 septembre). À Brive-la-Gaillarde, avec le magnifique Adolescentes de Sébastien Lifshitz (9 septembre). Annoncé en mars dernier, ce portrait double de deux copines suivies de la 5e à la terminale s'impose comme l'un des films majeurs de cette bien insolite année. En France, enfin, Un pays qui se tient sage (30 septembre), où David Dufresne a collecté une grande partie des images des violences policières survenues ces derniers mois pour les soumettre à des sociologues, policiers, historiens et faire le point sur l'état de... l'État démocratique. Saisissant, effrayant mais édifiant.
Repartir
Par une étrange prescience, nombre de cinéastes ont anticipé le besoin d'espace ressenti par toutes et tous après le confinement. Souvent, la nécessité impose de bouger. Comme pour Rocks (9 septembre), l'héroïne-titre de la dramédie de Sarah Gavron. Ado de 15 ans contrainte de “jouer la grande” en cachant que sa mère l'a abandonnée avec son petit frère, elle glisse dans la galère en se laissant tenter par la rebelle-attitude d'une nouvelle du lycée. Un portrait social cru et plein de vitalité. Dans Ailleurs (23 septembre), spectaculaire animation à la trame narrative et l'esthétique proches de celles d'un jeu-vidéo, le protagoniste parachuté sur une île doit rallier une ville en évitant un “boss“ aux allures de détraqueur ou de Sans-Visage. Un tour de force signé par le Letton Gints Zilbalodis, à suivre également. Le 16 septembre, Caroline Vignal embarque son institutrice d'héroïne Antoinette dans les Cévennes escortée d'un âne à la poursuite de son amant (ils sont bien deux) pour un road movie initiatique que Laure Calamy rend cocasse et touchant en amoureuse bafouée. À la même date, Antoine de Maximy signe avec J'irai mourir dans les Carpates un intéressant objet conceptuel autour de la fabrication des images, qu'elles soient données pour authentiques ou fictionnalisées. Un bémol : la comédie qui enveloppe cette mise en abyme est un brin faiblarde. Keren Ben Rafael, quant à elle, a anticipé “l'effet Zoom“. À cœur battant (30 septembre) montre la déliquescence d'un couple séparé par l'attente d'un visa : elle en France, lui en Israël, l'amour ne survit pas à l'éloignement des corps malgré un bébé et les écrans.
Aimer mal ou bien ?
Impossible de conclure sans amour — de préférence tourmentée. Du cœur noyé de chagrin de l'Ondine de Christian Petzold, délicat conte porté par la sirène Paula Beer (23 septembre) ; de celui malhabile de la gaffeuse Éléonore de Amro Hamzawi (même date) ; de la pierre servant aux parents de Old Dolio, escrocs minables dans le fantasque et surprenant Kajillionaire de Miranda July (30 septembre) ; de la réconciliation entre un milliardaire aigri et un exalté cyclothymique dans Mon Cousin cousu par Jan Kounen pour Lindon et Damiens (même date) ; de ces animaux repoussés parce que moins mignons que des chatons dépeints dans l'animation Les Mal-aimés de Hélène Ducrocq (16 septembre)... Beaucoup de films, et plus encore... Mais quand on aime, on ne compte pas !