Panorama / Traditionnellement d'une haute densité qualitative, cette fin d'année bat des records en accueillant des films bloqués depuis... début 2020 ! Une aubaine pour le public, mais un risque non négligeable pour des œuvres qui risquent de se dévorer les unes les autres...
Abondance de biens (culturels) nuit-elle ? Espérons que non, car l'affiche de novembre est plus que prometteuse. Semaine après semaine, feuilletons ce calepin ayant des faux-airs de pré calendrier de l'avent chargé jusqu'à la gueule. Ça voyage ferme dès le 3 novembre avec Compartiment N°6. Ce rail movie de Juho Kuosmanen (dans lequel une archéologue finlandaise rallie Moscou à Mourmansk en train et se lie d'amitié avec son compagnon de voyage aux abords rustauds, après avoir brisé la glace — ha ha), peut se voir comme un mode d'emploi pour apprivoiser l'âme russe rugueuse mais chaleureuse, cordiale mais volage. La faute sans doute à l'antigel englouti par litres à l'écran... Plus proche de nous, My Son se déroule dans les froides landes d'Écosse où Christian Carion transpose le dispositif de son thriller Mon garçon : ici, c'est James McAvoy qui, sans connaître l'intrigue, lance son personnage à la poursuite des ravisseurs de son fils. Carion évite la redite inhérente à l'auto-remake grâce à un dénouement plus musclé et une micro variation finale qui ajoute en tension. Rayon policier toujours mais en Normandie, Albatros de Xavier Beauvois décrit le drame d'un gendarme qui, cherchant à désarmer un paysan sur le point de se suicider, l'abat. S'attachant dans une première partie à détailler l'importance du militaire en zone rurale et le maintien des liens sociaux (au-delà de la police de proximité), le film — transcendé par un Jérémie Renier habité — bascule dans sa sidération et son introspection muettes avant d'atteindre son climax : une épiphanie libératoire dans un voyage maritime semi fantastique. On a rarement aussi bien filmé solitude, dépression et résilience. Enfin, au cœur du 13e arrondissement parisien, Jacques Audiard mêle dans Les Olympiades les destinées (et les amours) de quatre jeunes gens d'aujourd'hui représentatifs de toutes les cultures, origines et orientations. Coécrit par Léa Mysius et Céline Sciamma (wow !) ce vrai film new-yorkais look-alike débordant de sensualité et sublimé par le choix de la photo noir et blanc, propulse une formidable révélation (la raison d'être du film ?), Lucie Zhang.
Céline, Clint, Pascal et les autres...
Au 10 novembre sort enfin Aline. Espéré depuis 18 mois et inspiré par la vraie vie de Céline Dion, c'est l'un des plus inventifs vrais-faux biopics de tous les temps : retraçant la vie la chanteuse québécoise — sous le nom ici d'Aline Dieu — sur un mode “mélancomique” et sérieux, ce film jamais complaisant ni dérisoire est autant un hommage à l'artiste qu'une création originale de Valérie Lemercier, réalisatrice et interprète de la chanteuse de l'âge de 7 à 5x ans. Un tour de force d'écriture et de réalisation ne nécessitant pas d'idolâtrer Céline Dion. Face à elle, Cry Macho promène de l'autre côté de la frontière mexicaine le nonagénaire réalisateur-interprète Clint Eastwood en cow-boy chargé d'apprivoiser un gamin et de le ramener à son père, malgré des mafieux aux trousses. Même si l'ado joue mal, ce buddy movie alliant tendresse et action (si si) évoquant par instants Sur la route de Madison s'inscrit dans le cosmos eastwoodien, sans élucider cet éternel paradoxe : comment ce franc réac parvient-il à faire des films aussi pétris d'humanisme?
Le 17 novembre, vous opterez pour une rom'-com' charmante de et avec Pascal Elbé, On est fait pour s'entendre dans lequel il incarne un prof se découvrant dur de la feuille. Le traitement de l'isolement relatif des malentendants y est judicieusement traité et le rythme trépidant grâce à une excellente partenaire : Sandrine Kiberlain. Un constat : Elbé est scandaleusement sous-employé par le cinéma français. Dans le même périmètre auditif, Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona constitue l'une des plus brillantes surprises du mois : emplie de nostalgie, cette épopée à la première personne de la libération des ondes FM en 1981 raconte aussi la France rurale d'alors, le service militaire à Berlin, l'âge des possibles et le début des années fric. Un premier film aussi prometteur que ce mois de novembre... Et encore, on n'a pas vu Memoria, Les Immortels, Tre Piani, Oranges Sanguines, Haut et Fort, House of Gucci...