Les films sortis en salles le 7 décembre 2022

À voir

★★★☆☆ Nos frangins 

1986. Pendant les manifestations estudiantines, Malik Oussekine est tabassé à mort par des voltigeurs à moto. L'émoi est tel que la mort la même nuit d'Abdel Benyahia, une autre étudiant d'origine algérienne  victime d'une bavure policière, conduit la Préfecture à tenter d'étouffer l'affaire. Rachid Bouchareb poursuit ici son “Histoire complémentaire de France“ après Indigènes et Hors-la-loi en braquant sa caméra pas uniquement sur le tragique fait divers scellant la fin des manifestations contre le projet Devaquet, mais sur son entourage complexe et occulté : même si Renaud dans sa chanson Petite (qui habille le générique de fin) évoquait conjointement Malik et Abdel, la postérité a globalement occulté le sort du second mort du 5 décembre 1986.

S'attachant aux familles laissées dans le silence et la détresse, dessinant en creux les portraits — édifiants — des disparus ; montrant l'enquête (et son enfouissement symbolique), le cinéaste signe un film-cénotaphe à la fois digne et engagé laissant un arrière-goût amer : il révèle à quel point la violence d'État contemporaine n'a rien à envier à celle de jadis.

De Rachid Bouchareb (Fr.-Alg., 1h32)  avec Reda Kateb, Lyna Khoudri, Raphaël Personnaz...


★★★☆☆ Falcon Lake 

Venu en famille passer les vacances d'été dans une maison au bord d'un lac canadien, Bastien doit partager la chambre de Chloé, une ado un peu plus âgée que lui. D'abord distante, celle-ci le prend sous son aile et l'initie à beaucoup de choses. Notamment à sa fascination pour les fantômes environnants...

Adaptant pour son premier long métrage un album de Bastien Vivès, Charlotte Le Bon s'en éloigne pour en faire le support d'un film à périmètre plus vaste (en explorant avec subtilité les lisières du cinéma de genre)... et plus resserré, en abordant le puits sans fond des émois de l'adolescence propres aux récits initiatiques. La délicatesse dont elle fait preuve ne l'empêche pas d'aborder avec frontalité ou une certaine crudité non salace les questions de désir et de sexualité. Quant à la transposition au Canada, elle apporte grâce à la barrière linguistique autant que paysagère une couche supplémentaire de malaise ambiant qui n'est pas sans rappeler l'intranquillité latente des climats lynchiens. Pas étonnant qu'on en vienne à croire aux fantômes.

De Charlotte Le Bon (Fr.-Can., 1h40) avec Joseph Engel, Sara Montpetit, Monia Chokri...


★★★☆☆ La (Très) Grande Évasion 

La fraude aux prestations sociales montrée du doigts par tous les gouvernements n'est qu'une goutte d'eau comparée au manque à gagner que représente l'évasion fiscale orchestrée par les banques avec la complicité tacite des États au profit des grandes fortunes et des entreprises. Joliment légalisée grâce à des tactiques “d'optimisation”, elle n'en est pas moins obscène comme le décortiquent ici Denis Robert et Yannick Kergoat (déjà à l'œuvre pour la transposition à l'écran des Nouveaux Chiens de garde en 2012)  avec une foule d'exemples, de témoins et d'animations très claires. Non seulement on comprend tout — jolie performance tant les mécaniques d'obscurcissement sont roublardes — mais on y gagne l'envie de voter en faveur d'une réglementation RÉELLEMENT intransigeante contre les paradis fiscaux, les fraudeurs et lobbyistes. Un documentaire nécessaire.

Documentaire de Yannick Kergoat (Fr., 1h54)


★★★☆☆ Sous les figues 

Une plantations de figuiers en Tunisie. Du lever du soleil au crépuscule, une poignée de journaliers — principalement des femmes — travaillent à cueillir les fruits à maturité pour un “chef“ exigeant et se montrant plus ou moins accommodant avec certaines. Comme Fidé et sa jeune sœur Melek...

S'il l'on voulait trouver une définition métaphorique du pars pro toto appliqué à la société tunisienne, alors ce premier long de Erige Sehiri pourrait totalement convenir. Ballet de personnages évoluant sur une scène à ciel ouvert, Sous les figues en dit étonnamment long en peu de temps sur l'économie précaire du pays où toutes les tranches d'âge doivent bosser pour un salaire de misère ; sur les conflits générationnels entretenus par les lois coutumières (plus puissantes que les lois officielles) ; sur les résidus d'archaïsmes patriarcaux et la fragile émancipation féminine... Heureusement loin de se lamenter, la cinéaste voit dans le crépuscule qui clôt son film l'aube d'un changement et dans les adolescents dont elle fait ses héroïnes et héros des caractères décidés à renverser la table.

De Erige Sehiri (Tu.-Fr.-Sui.-All., 1h32) avec Ameni Fdhili, Fide Fdhili, Feten Fdhili...

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