L'Opéra pour tous : par ici la visite !

Du 25 au 29 avril, l'Opéra Théâtre présente Madama Butterfly, le chef d'œuvre de Puccini. Nagasaki, 1904. Un officier américain épouse une jeune Geicha. Au lendemain de ses noces, il rejoint sa patrie. Seule avec leur enfant, elle attend son retour. Lorsqu'il revient trois ans plus tard, au bras d'une autre femme ; la belle Japonaise se donne la mort. Laurent Campellone, directeur musical de l'Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire déroule le fil de ce poème lyrique.


Chaque instrumentiste est essentiel
Chez Puccini, rien n'est automatique ou répétitif, tous les pupitres ont un rôle important. Le flûtiste qui prend la parole avec un solo magnifique jouera peut-être deux notes dans un tutti d'orchestre mais deux notes fondamentales. Dans ce poème symphonique, l'orchestre n'est  pas un simple accompagnateur mais une voix qui raconte musicalement ce qui se passe sur scène. Cent fois, j'ai vu des musiciens émus aux larmes. 

L'une de vos cinq œuvres de chevet
Madame Butterfly compte parmi les œuvres que je pourrais diriger jusqu'à ma mort avec la même passion. Puccini est un homme de théâtre, il a parfaitement saisi la situation et la construction dramatique. Il insuffle au livret un rythme intime fascinant. Dans cette mécanique parfaite, il n'y a pas une note de trop. J'aime la beauté formelle, la richesse harmonique, l'émotion brutale, jamais artificielle. 

La place de Madame Butterfly dans la trajectoire de Puccini ?
Dandy, amoureux des femmes et de l'automobile. Un  hobby coûteux et presque inaccessible. A l'époque, s'éprendre des autos, ce serait se passionner aujourd'hui pour l'Airbus A380 ! Cet homme riche, courtisé, conscient de son talent a été encensé avec Manon Lescaut, La Bohème et Tosca. Pourtant après avoir failli mourir dans une course de voiture, il écrit dans une lettre à son éditeur qu'il ne pensait qu'à une seule chose durant ces heures critiques : Madame Butterfly.

Pourquoi une création houleuse à La Scala de Milan en février 1904 ?
Fin XIXe, la France et l'Europe se sont saisi de l'orientalisme. Avec Hokusai, Monnet, Renoir et surtout Degas, les codes traditionnels explosent. Puccini s'empare alors du Japon alors que cette révolution artistique n'a pas encore été digérée par la culture européenne. Dans Madame Butterfly, on ne retrouve ni les grands airs, ni les grandes mélodies auxquelles il avait habitué ses auditeurs. 

Une œuvre construite dans l'attente.
Attendre un homme qui ne revient pas, cette situation a beaucoup déstabilisé le public d'alors. La dimension quasi politique (un homme qui achète une femme) a forcément choqué. Surtout, à la lecture du livret nous sommes plongés dans la noirceur humaine la plus totale. Une incursion dans un Japon réel et non fantasmé où l'espoir est muet. Si vous ne connaissez pas encore cette œuvre, imprégnez- vous de l'histoire et venez vous jeter avec nous dans l'arène de l'émotion.

Propos recueillis par Aurélie Noailly


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