Le cinéma d'en bas

Encore un petit mois au cinéma, où il faudra bien fouiller pour dénicher quelques pépites, notamment le très fort premier film de Paddy Considine, «Tyrannosaur». Christophe Chabert


Cannes approche et les bons films désertent les écrans. Classique, et si on peut espérer encore quelques bonnes surprises, il faut reconnaître que les films qui trusteront les salles ne sont pas d'un immense intérêt (du Marsupilami à Radiostars en passant par Le Prénom, ou encore le décevant Rec 3). Niveau cinéma d'auteur, on attendait mieux de la part d'Ursula Meier après son très réussi Home ; L'Enfant d'en haut (18 avril) est loin d'être mauvais, notamment grâce à une mise en scène très physique qui accompagne les agissements d'un gamin dérobant les biens de riches vacanciers d'une station de ski pour les ramener «en bas», dans son HLM où il vit avec sa sœur (Léa Seydoux, toujours formidable, même débarrassée de tout apparat glamour). Mais le film, lesté par un excès de scénario, souligne un peu trop ses intentions, quand il n'est pas desservi par la photo ringarde d'Agnès Godard, ramenant l'affaire à un naturalisme à bout de souffle. Dommage. Petite déception aussi avec le dernier film de Kore-Eda, I wish (11 avril), pour des raisons inverses. Ici, c'est bien l'écriture de cette œuvre tout public qui éblouit. Il y est question de deux frères séparés par un volcan qui décident de se retrouver à mi-chemin, au moment de l'inauguration d'un TGV dont ils pensent qu'il exaucera leurs vœux secrets. Ils emmènent avec eux leurs copains, tous porteurs d'un souhait très personnel et naïf (devenir actrice, savoir dessiner, ressusciter un chien…). Le conte est magnifique, notamment parce que les adultes ne s'opposent jamais à ce projet dérisoire, comprenant que l'espoir est préférable à la résignation. Le film aurait été parfait s'il avait duré un quart d'heure de moins et si Kore-Eda avait un peu plus soigné la réalisation, assez ingrate.

Le vieil homme et l'amer

Pas parfait non plus, Tyrannosaur (le 25 avril) est toutefois le genre d'œuvres qu'on n'oublie pas de sitôt. Pour son premier film derrière la caméra, le comédien Paddy Considine met en scène un Peter Mullan en pleine rupture sociale et psychologique, bloc de ressentiment vomissant sa haine à tout ce qui passe dans sa banlieue maudite. On s'attend à une rédemption, notamment au contact d'une quadra bigote maltraitée par un mari abusif ; trop simple… Considine n'excuse rien ni personne, observant à la bonne distance le naufrage d'une société gangrenée par l'alcool et le désœuvrement, où même les cœurs purs basculent dans la violence, la tristesse et la solitude. Ça se passe au Royaume-Uni mais ça sort quelques jours après le premier tour des élections présidentielles françaises. On dit ça, on ne dit rien…


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