Sa compagnie est celle du Shaman. Il est évident qu'il faille posséder certains pouvoirs pour aborder avec autant d'originalité et de justesse le monde occulte de la finance et en proposer une performance aussi radicale et maîtrisée. Bruno Meyssat a décortiqué la crise des subprimes, les mécanismes de la banque Lehman Brothers et le cynisme du plan Polson. Pour cela une démarche dont le temps est le plus fidèle allier s'est mise en place. Le texte n'est pas acquis d'avance. L'acteur se forme au gré de ses lectures et réflexions accompagnées de rencontres avec le thème. Un voyage aux Etats-Unis aura permis à l'équipe de se plonger dans la rudesse du monde de la finance. Pour cela des traders et des économistes auront permis de mieux comprendre les engrenages. Chaque comédien sera revenu avec ses objets. Le temps de la construction passe par le temps d'improvisation. Le texte naît peu à peu au gré d'une scénographie dévoilant une succession d'images modelées par la manipulation de l'objet.
Au final, le spectateur se laissera surprendre par une performance où le corps incarné des acteurs vêtus du costume du trader arbore sur sa tête le casque du hockeyeur américain. Une manière de dire la violence. La violence d'un système qui trouverait sa genèse aux Etats-Unis. Non pas qu'il faille s'attendre à un pamphlet anti-américain, mais plutôt oser la lucidité de constater que cette nation a engendré les systèmes financiers et les a expérimentés sur sa population. Ainsi se manifeste par l'objet et l'improvisation la vision orginale et théâtrale de Bruno Meyssat. L'économique qui travestit les soubassements sociaux de notre société politique. Ce monde que l'on croirait être une manigestation parfaite de la rationalité, ne serait en fait que le lieu où s'exprime l'ivresse du fric. La façade cravatée qui cacherait la boîte de Pandore, une boîte encore ouverte aujourd'hui dans la nuit de la crise. Si cette pièce n'est pas un hymne à la gaieté, elle est un prodige dans sa théâtralité, soit l'art de célébrer le mythe.
15%, du 17 au 19 avril, 20h, Théâtre Jean Dasté