Mercredi 30 mars 2022 On l’a compris : après les rayons de soleil et les terrasses de la semaine passée, ce week-end, il va falloir ressortir les moufles et les doudounes. Désespérant ? Un peu… Mais pas au point de ne pas bouger du canapé !
La chance sourit à Madame Nikuko : Telle mère, telle fille ?
Par Vincent Raymond
Publié Mardi 7 juin 2022
Photo : ©2021 MOVIZ/
Anime / La chronique animée de l’entrée dans l’adolescence de Kikurin et de son exubérante mère aux mille mésaventures, Nikuko, imposante cuisinière aussi fantasque que Kikurin est discrète et filiforme. Un chef-d’œuvre de sensibilité et d’humour racontant avec élégance la vie à hauteur de fillette et de femme, les différences et surtout l’amour inconditionnel. À voir en famille !
Après avoir été plaquée par bien des sales types ayant abusé de sa joviale naïveté, la ronde Nikuko débarque avec sa fille Kikurin dans un petit village de pêcheurs où elle fait — comme toujours — merveille aux fourneaux entre deux situations embarrassantes pour sa fille. Pendant ce temps, celle-ci grandit et s’intéresse à Ninomiya, un ado de son âge affligé d’étranges tics nerveux…
à lire aussi : Florian Poulin porte à l’écran la Team Carbone
Volontiers à rallonge, parfois trompeurs sur leur contenu (Je veux manger ton pancréas, par exemple, n’a rien d’une histoire d’épouvante cannibale, mais tout d’un mélo propre à arracher des larmes à Hannibal Lecter) ou alors d’une platitude informative déconcertante (Josée, le tigre et les poissons ; Hana & Alice mènent l’enquête), beaucoup de titres d’anime ressemblent à des tests visant à trier les initiés. Mais celles et ceux qui osent aller au-delà d’une devanture guère affriolante se trouvent en général hautement récompensés. La chance sourit à Madame Nikuko est de ces joyaux inattendus dont le chatoiement vous éblouit et l’intelligence poétique vous transporte de la première seconde à la dernière note du générique.
Franchir les frontières
À l’instar de ses plus illustres compatriotes Miyazaki (cité explicitement puisque Nikuko est comparée à Totoro) ou Hosoda, Ayumu Watanabe se place ici à hauteur d’adolescente pour décortiquer les problématiques inhérentes au “passage“ d’un monde à l’autre : celui, relativement insouciant et ouvert sur l’imaginaire de l’enfance, à l’univers adulte lesté de contraintes, de choix et de concessions. Parce qu’elle vit avec une mère au comportement souvent puéril, Kikurin est objectivement plus mûre dans sa tête que ses condisciples même si son corps, lui, n’a pas encore franchi le cap de la puberté. C’est d’ailleurs un des grands mérites de ce film, d’évoquer sans fausse pudeur la question des règles, comme Alerte rouge de Domee Shi il y a peu — les œuvres d’animation serait-elles moins timorées que le cinéma en prises de vues réelles quand il s’agit de parler de sujets organiques et de féminité ? Madame Nikuko aborde aussi le thème de l’exclusion à l’intérieur du microcosme scolaire, et de la violence psychologique qui en résulte, comme de la singularité de certains enfants : le solitaire Ninomiya, avec ses grimaces, fait ici office de prince charmant des contes que Kikurin libère (un peu) de son mauvais sort… et au contact duquel elle s’affranchit de quelques réflexes grégaires.
à lire aussi : Le festival Nouveaux Rêves : première !
Grand cru
Oscillant du grotesque à l’infra intime, ce portrait collectif rappelle parfois le Isao Takahata de La Famille Yamada (ce qui n’est pas un mince compliment), en intercalant de petits intermèdes drolatiques où Nikuko apparaît en style “chibi-viande de bœuf tendre de première qualité“. La beauté du graphisme et la variété des émotions qu’il procure suffiraient à faire de Madame Nikuko un grand film ; mais il va au-delà avec cette étrange rupture affectant le récit au-delà de sa moitié — une déchirure inattendue donnant à toute l’histoire une nouvelle perspective comme dans JSA de Park Chan-Wook. Difficile, au terme de cette chronique, de quitter les personnages avec l’œil sec.
Bénéficiant d’une v.f. aussi réussie que la v.o., La chance sourit à Madame Nikuko peut se revoir déjà avec le même plaisir ; gageons qu’il se bonifiera encore avec le temps pour accéder au statut de grand cru. Ce n’est pas une raison de tarder pour le découvrir sur grand écran !
★★★★★ La chance sourit à Madame Nikuko de Ayumu Watanabe (Jap., 1h37) avec les voix (v.o.) de Cocomi, Shinobu Ôtake, Izumi Ishii… Sortie le 8 juin
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mercredi 2 février 2022 Indispensables
★★★★☆ Petite Solange
D’une grande maturité pour ses 13 ans, Solange croit en l’harmonie pérenne (...)
Mercredi 8 décembre 2021 Les films qu'on a vus des 15, 22 et 27 décembre. Et ceux qu'on n'a pas (encore) vus…
Mardi 30 novembre 2021 Riche de ses cinq mercredis (et donc d’un nombre de sorties lui conférant un profil d’oie farcie du réveillon), le mois de décembre tient du super calendrier de l’avent, qui distribuerait encore ses surprises après Noël. Dont certaines,...
Mardi 6 octobre 2020 ★★★☆☆ De Takashi Yamazaki (Jap., 1h33). Sortie le 7 octobre
Mardi 6 octobre 2020 Au moment où nous écrivons ces lignes, l’on ignore si de nouvelles mesures restrictives vont toucher les salles ; elles méritent d’être épargnées, eu égard à la drastique réglementation sanitaire qu’elles respectent déjà. Ironie des choses,...
Mercredi 9 septembre 2020 Tokyo, de nos jours. Shin et Kotori, deux lycéens proches, découvrent l’existence d’un monde en tout point identique au nôtre, où chacun possède son double : (...)
Mardi 20 août 2019 Leur ville inexplicablement envahie par des pingouins, un groupe d’enfants profite des vacances pour enquêter. Un songe astrophysique drapé de poésie mythologique, empli de fantaisie. Et de palmipèdes.
Mercredi 6 février 2019 De et avec Philippe Lacheau (Fr., 1h39) avec également Élodie Fontan, Tarek Boudali…
Mardi 4 décembre 2018 Ce futur classique, où un enfant unique apprend à aimer sa petite sœur nouvelle-née en voyageant dans le futur et le passé familial, comptera autant que Totoro ou Le Tombeau des Lucioles au panthéon de la japanimation, dont Mamoru Hosoda est...
Lundi 26 mars 2018 Avec plus de 13 000 spectateurs qui se sont pressés aux portes de l'Espace Renoir et du Grand Palais du 19 au 26 mars 2018, le 9e Ciné-Court Animé (festival (...)
Jeudi 31 août 2017 de Masaaki Yuasa (Jap., 1h52) avec les voix de Shôta Shimoda, Kanon Tani, Akira Emoto…
Mercredi 28 juin 2017 Révélé par le tendre Ernest & Célestine, le réalisateur Benjamin Renner revient avec un projet qu’il a cette fois couvé depuis l’œuf : une lointaine (et désopilante) relecture du Roman de Renart, mâtinée de Konrad Lorenz et de Robert McKimson....
Mercredi 29 mars 2017 À l’instar de ses héros humains améliorés par les machines, ce film en prises de vues réelles s’hybride avec toutes les technologies visuelles contemporaines pour revisiter le classique anime de Mamoru Oshii (1997). Une (honnête) transposition,...
Mercredi 15 mars 2017 “Rare” et “abondant” qualifient autant le Festival international du court métrage de Roanne que les films présentés. Après sept éditions au taux de (...)
Jeudi 16 février 2017 L’exhumation des aventures du sympathique hyménoptère, créé il y a une quarantaine d’années par la cinéaste tchèque Hermina Tyrlova, se poursuit avec un nouveau (...)
Mercredi 30 novembre 2016 L’époque est révolue où le “Disney de Noël” polarisait les attentions, captant l’intégralité du public du cinéma d’animation. Un choix plus large s’offre désormais à lui : il y en a en effet pour tous les goûts grâce à la diversité des styles et des...
Mardi 3 mai 2016 L’animation connaît en ce moment un regain bien loin de se limiter à l’Hexagone. En témoigne ce polar nippon à prendre en filature serrée, de même que son réalisateur — le chevronné Shunji Iwai… Vincent Raymond
Mardi 29 septembre 2015 Parmi les multiples conférences et débats qui jalonneront la Fête du livre 2015, focus sur celle qui nous concerne plus particulièrement. Aux côtés de Florence (...)
Mercredi 2 septembre 2015 "Le Petit Prince", décevante adaptation de Saint-Ex’ qui a consterné l’été (et ravi du public à "Vice-Versa"), ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir : la fin 2015 s’annonce riche en productions animées enthousiasmantes Vincent Raymond