Devant l'effervescence tant qualitative que quantitative de cette 5e édition des Nuits Sonores (du 15 au 20 mai à Lyon), on a d'emblée laissé tomber toute velléité d'exhaustivité ou même d'objectivité, et préféré mettre en avant les artistes qui nous semblent les plus incontournables. En en oubliant, cela va de soi, une quantité non négligeable qu'on vous laissera dénicher vous-mêmes sur le site du festival : www.nuits-sonores.com Damien Grimbert
Ils font l'unanimité ou presque, fédèrent public comme critiques, et font parler d'eux dans le monde entier. Parmi ces derniers, deux Anglais, Luke Vibert aka Wagon Christ, pionnier de l'électronica concassée chère à Aphex Twin et consorts signé sur le prestigieux label Warp, et James Holden, fondateur du label londonien Border Community (sur lequel on retrouve entre autre Nathan Fake) et prodige des musiques électroniques au sens large devant lequel tout le monde s'incline. On continue avec deux Allemands, la berlinoise Ellen Allien à l'origine du fameux label B Pitch, qui a contribué à donner un son au début des années 2000, et Apparat, tête pensante du label Shitkatapult qui s'est imposé comme un des meilleurs producteurs électronica avant de collaborer avec la précitée Ellen Allien pour un élégant Orchestra of Bubbles. On termine avec un Américain originaire de Détroit, Matthew Dear aka Audion qui incarne mieux que quiconque le renouveau de la scène techno américaine, et enfin un Français, Lyonnais, qui plus est, Agoria, dont on vous a déjà parlé à l'automne à l'occasion de la sortie de son excellent nouvel album The Green Armchair.La nouvelle école
Eux ne font pas l'unanimité, bien au contraire : ambitieux, surdoués et tapageurs, élevés au hip-hop plus qu'au rock de leurs grands frères, ils défraient la chronique et sont les chouchous des audioblogs. À leur tête, le talentueux duo Fuckaloop, composé des deux producteurs stars du label Institubes Para One et Tacteel, qui présentera un live spécial accompagné du street-artist Akroe pour la partie visuelle. Son saturé, rythmiques tordues et mélodies poignantes en perspective. De quoi patienter en attendant leur très attendue première sortie rétrospective live sur CD, The early Aughties. Également présents, le petit jeune qui déchire, Surkin, lui aussi sur Institubes, qui a calmé tout le monde avec ses maxis très orientés ghetto-house, le très en vue Sebastian, signé sur Ed Banger, et déjà auteur d'une poignée de maxis de haute volée, et le newcomer Yuksek, qui commence également à beaucoup faire parler de lui. On termine avec deux allemands à découvrir absolument, le duo Digitalism fer de lance du label Kitsuné, et le Berlinois Boys Noize, à l'efficacité redoutable.Les légendes vivantes
Ils ont marqué l'histoire des musiques électroniques par leur avant-gardisme et leur activisme, et sont devenus aujourd'hui de véritables icônes. On veut bien entendu parler du collectif Underground Resistance fondé par le légendaire Mad Mike, figure pionnière de la techno de Detroit, qui sera présent par le biais du collectif Interstellar Fugitives (par ailleurs auteur d'une plus que recommandée compilation éponyme sortie sur UWE). Issus des quartiers noirs les plus déshérités de l'industrielle Motor City, ils sont l'âme underground d'un mouvement qu'ils ont contribué à créer. Autre figure marquante, le New Yorkais Little Louie Vega, moitié du célèbre duo Masters At Work, et figure historique de la house music originelle, qu'il a contribué à marquer par ses emprunts aux musiques latines. Il sera l'invité principal de la Carte Blanche du festival accordée cette année à la ville de New York.Les breakers
Parce qu'il n'y a pas que l'électro, la techno et la house dans la vie, et que le hip-hop a grandement contribué à l'essor des musiques électroniques, place à trois turntablists de renom. On commence par le grand Mixmaster Mike, DJ attitré des Beastie Boys et champion du monde de turntablism en 1992, à la fois en individuel et en équipe aux côtés de Q Bert et DJ Apollo. Une date à ne pas manquer d'autant qu'elle sera également l'occasion de découvrir le talentueux DJ Kentaro, célèbre deejay japonais à la technique irréprochable également auteur d'un excellent premier album sorti cette année sur le label Ninja Tune (Enter, sur lequel on retrouve entre autres The Pharcyde, Spank Rock et New Flesh). On termine avec un Brésilien originaire de Sao Paulo, Marky, qui s'est imposé en l'espace de quelques années comme un des meilleurs DJs drum'n'bass mondiaux. Il sera accompagné pour l'occasion du MC londonien Stamina.Les outsiders
Bruyants, différents et énervés, ils sont la face cachée d'une scène électro souvent trop lisse, mais avant tout des artistes novateurs et talentueux. On commence par le duo dDamage, signé sur le label Tsunami Addiction, et composé des frères Hanak. Enfants d'un univers urbain lo-fi et agressif, ils martyrisent les beats sans pitié pour créer un brouhaha sonore sans concession à mi-chemin de l'électro, des sons de jeux vidéos vintage, du hip-hop et du punk, d'où surnagent, par miracle, de splendides mélodies. On retrouvera à leur côté un autre duo de frères originaire quant à lui de Noisy-le-sec, La Caution dont l'électro hip-hop magistral est sans conteste la meilleure chose qui soit arrivée au rap français depuis bien longtemps. Place ensuite à deux éminents représentants français de la scène chiptune / gameboy music, Eat Rabbit et Computer Truck, dont les bleeps furibards font forte impression. On termine en violence avec la prestation du Berlinois Errorsmith, qui réussit à fusionner expérimentations électronica et sonorités électro-industrielles dans un live pourtant dansant au possible. Chapeau...