L'arche de Norén

THÉÂTRE / Kliniken, ou le quotidien de patients d’un hôpital psychiatrique vu par le dramaturge suédois Lars Norén et habillement mis en scène par Jean-Louis Martinelli. Aurélien Martinez

«Quand je sortirai d’ici, je ne regarderai pas la télé pendant un an. J’aime pas qu’on nous force à regarder la télé ; mais on ferait quoi sinon ?». Elle est assise dans un fauteuil en cuir, dans une grande pièce impersonnelle. Autour d’elle, une foule de gens hétéroclites partage son quotidien : un homme en chemise, un jeune en survet, une fille au look soigné, une autre qui se laisse aller… Tous sont souffrants, même si la plupart ne comprennent pas pourquoi. «Qui décide de qui est malade et qui est sain ?» s’interroge-t-elle. Personne ne pourra lui donner la réponse qu’elle cherche en vain… Les hôpitaux psychiatriques sont des lieux clos, qui posent de nombreuses questions et nourrissent leur lot de fantasmes et de craintes. Sans porter de jugements à l’emporte pièce, Lars Norén, dramaturge star en Suède souvent comparé à Strindberg, se contente de focaliser son attention sur la vie des ces hommes et femmes aux parcours différents mais tous mis au ban d’une société qui les a déclarés fous. Sur scène, on croise ainsi un schizophrène, une anorexique, un séropositif… : les lambeaux d’une société parallèle à la nôtre dont on aurait presque oublié l’existence si Norén ne nous avait pas administré une piqûre de rappel de trois heures.

Hôpital Ikéa

Dans Kliniken, aucun patient ne se révolte à l’instar de Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. La révolte a cédé la place à la résignation. «Je ne comprends pas pourquoi on est ici, personne ne nous aide vraiment». Il s’agit donc moins de construire un discours comptoir de café sur la psychiatrie que de simplement mettre en lumière une vérité cachée : dans nos sociétés contemporaines, des êtres humains souffrent derrière des murs, à l’abri des regards. Jean-Louis Martinelli, metteur en scène et directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers, a très bien compris les intentions et la volonté empirique de Norén (ce dernier a lui-même été interné dans sa jeunesse). Grâce à une scénographie léchée (le travail sur la musique est splendide), Martinelli fait du plateau une cage high-tech où les personnages se contentent de tourner en rond à longueur de journées, sans savoir ce que l’on attend d’eux. Des personnages interprétés avec force et conviction par une distribution impressionnante. Et tant pis si des fois c’est un peu trop, si certaines parties du texte sont légèrement plombantes, la vérité se cache derrière les mots a priori anodins de Norén. Celle d’une société qui ne sait pas quoi faire de ses malades mentaux.

KLINIKEN
Du mardi 25 au jeudi 27 novembre, à la Salle de Création de la MC2

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