Théâtre / En s'emparant de ces deux œuvres de Lars Norén, le jeune Collectif 70 creuse avec modestie et talent les arcanes de la radicalisation.
Le théâtre et les écritures contemporaines s'intéressent souvent aux montées du racisme. Mais, toujours, la même sidération : Lars Norén est un maître en la matière. Monter dans un même spectacle le méconnu Biographies d'ombres et le fréquemment joué Froid est la première bonne idée du Collectif 70 – quoique ces pièces aient été publiées en France dans le même ouvrage aux éditions de L'Arche.
Dans la première, une famille s'apprête à affronter la mort du père. Mais de fuites en non-dits, avec quelques mots, c'est la radicalisation du fils adolescent qui apparaît, comme une gangrène inexorable. Ensuite, Froid est le récit sans issue d'un groupe de jeunes qui imposent leur vision à un camarade de classe qui passait par là. Ce dernier, Coréen adopté, mais Suédois comme eux, ne peut en réchapper. Le dialogue que cette "proie" essaye d'instaurer n'a pas la moindre chance de renverser les peurs maquillées en croyances nationalistes du trio, dont on pointe tout de même les différences. Il est question d'influence, de pouvoir, de domination, même entre ceux qui croient se reconnaître derrière une patrie.
Radical system
C'est tout cela qui apparaît dans le travail de Claude Leprêtre. La jeune metteuse en scène fait place au texte sur un praticable encadré au fond par un mur vitré, recouvert à gros traits de peinture blanche, comme une vitrine qui cacherait des travaux. Sommes-nous dedans à l'abri des regards ou dehors ? L'histoire ne le dit pas mais l'auteur – plébiscité de son vivant et décédé du Covid à 76 ans en janvier 2021 – met délibérément au jour ce qui est souvent tu. Pas besoin de figurer de manière frontale et naturaliste la violence des coups. Ici, les gestes mimés (frapper le sol plutôt que le corps ou encore dans ses mains pour rendre compte d'une claque) sont une composante du parti pris de faire exister le malaise et la brutalité grâce aux comédiens, tous parfaitement à leur place dans la retenue (avant la tornade finale de Froid), pour ne pas paraphraser les mots du Scandinave.
Jamais démagogique, cette double transposition sans fioriture entre en résonance avec une France où l'omniprésence des discours d'extrême droite est si nauséabonde. Le Collectif 70 pourra encore malheureusement se saisir des textes de Lars Norén pendant longtemps.
Biographies d'ombres + Froid mardi 24 et mercredi 25 janvier à 20h au TMG - Grand Théâtre, de 5€ à 16€