Concert / Retour de hype mérité pour Christophe, qui a livré l'année dernière "Aimer ce que nous sommes", album atypique et splendide. Avant son concert à Voiron, on l'a rencontré pour parler de tout et de rien, mais surtout de musique. Magnéto.
C'était il y a deux semaines. À Lyon, à la Bourse du travail. Après un concert réussi (« honnêtement, ce n'est pas tous les soirs comme ça ; le public y a été pour beaucoup »), on rejoint Christophe dans sa loge. Canapé, collation haut de gamme, champagne. Dehors, une bonne vingtaine de fans attendent la sortie de l'artiste pour espérer un autographe – voire plus. Une foule hétéroclite, faite de cinquantenaires grisonnants et de vingtenaires ayant découvert l'artiste grâce à Radio Nostalgie ou la couv' de Technikart.
« C'est les jeunes qui m'ont permis de faire Aimer ce que nous sommes » explique-t-il, ému. Car depuis un an, Christophe est partout, et pas toujours là où on l'attend. La faute un album moderne, poétique, fort, unanimement salué, qui a définitivement ressorti le chanteur des oubliettes où croupissent les nombreuses stars périmées des années yé-yé. « Je suis d'une autre époque. Mais à l'époque, j'étais comme je suis maintenant, je n'ai pas changé ».
Pourtant, passé du statut de ringard à celui d'icône, ce n'est pas rien. « Certes, je préfère avoir ce reflet-là plutôt qu'on dise de moi que je suis un vieux has been. C'est un truc que j'acceptais mal il y a dix ou vingt ans. Maintenant, je me rends compte qu'ils ont tous changé d'avis. »
Dandy décadent
Flash-back. Été 1965 : les Français, en plein gaullisme castrateur, découvrent le slow langoureux d'un jeune artiste de vingt ans. C'est Aline, qui lui ouvre un boulevard à tubes : Les Marionnettes, Succès Fous et surtout Les Mots bleus. Ces quatre minutes, lyriques et synthétiques, marqueront toute une génération. Mais les succès répétés, notamment auprès de la gent féminine, finiront pas le cataloguer comme un chanteur romantique à midinettes. Image qui se transformera rapidement, après plusieurs hauts et bas, lorsque l'artiste ralentira la cadence au point de n'apparaître que comme un chanteur "du temps d'avant". Traversée du désert.
Le tournant viendra en 1996, avec Bevilacqua (son véritable nom de famille) : un album où l'on commence à apercevoir le changement d'univers du bonhomme (très intéressé par la techno et les sons électros). Il s'écarte ainsi des formats préétablis pour vaquer vers un monde musical en plein défrichement. En 2002, suivra Comm' si la terre penchait, avec l'Olympia qui va avec, avant le choc Aimer ce que nous sommes l'année dernière.
« C'est un album qui m'appartient vraiment, comme une toile pour un peintre ou un livre pour un écrivain. Ce n'est pas un produit – entre guillemets – commercial ou populaire, mais plutôt intime. » Un disque magistral, sans tubes fédérateurs, mais pensé globalement. S'y côtoient des monuments tels que Parle-lui de moi ou Mal comme. Christophe laisse sa voix et sa mélancolie à fleur de peau s'envoler, librement.
On lui demande – assez maladroitement, certes – si cette nouvelle gloire auprès de la jeune génération ne vient pas du fait qu'il est arrivé à capter l'air du temps pour le retranscrire artistiquement ? « Pas capter l'air du temps, parce que je ne fais pas du Röyksopp ou du Knife – tous les groupes que j'aime dans l'électro d'aujourd'hui. C'est ma musique ! Ce qui m'amuse, c'est l'inconnu, l'original, l'esthétique. » Sa volonté criante de se renouveler sans se compromettre (on imagine que sur le papier, son retour artistique n'a pas dû convaincre grand monde) saute aux yeux et fait plaisir à entendre au moment où de jeunes artistes choisissent quant à eux de se plonger à corps perdu dans des limbes passéistes stériles.
« Miracle »
On finit la discussion en lui demandant comment il voit l'avenir. On l'image radieux, vue sa nouvelle aura. « Quand on a vingt ans, on est les rois du pétrole. Quand on arrive à soixante-quatre, ça change un peu les paramètres. Je doute plus. Mais j'essaie de ne pas trop y penser. Je marche avec le hasard et l'inconnu, donc j'attends que le miracle arrive. Faire une chanson, un album, restera toujours un miracle. »
On comprend aisément qu'il ne s'arrêtera pas là. Son studio parisien où il compose la nuit, entre synthés, ordis et machines, bouillonnera bientôt de nouveau. On prend nos affaires. Lui finit sa coupe. Dehors, les fans attendent toujours. Une dernière question : de voir tout ce monde, ces jeunes et ces moins jeunes, dans la salle ou devant la loge, ça permet d'Aimer ce que nous sommes ? « C'est très surprenant. Comme je n'ai pas de regard sur ma carrière, je me découvre avec le regard des autres, c'est comme ça que je me calcule. » Le résultat doit être très agréable quand on est Christophe.
CHRISTOPHE
Vendredi 23 octobre à 20h30, au Grand Angle (Voiron)