Les explorateurs sonores les plus aguerris avaient déjà remarqué les premières productions discographiques de Cheveu, expérimentations bourrines aux échos tant punk que psyché. Mais rien ni personne n'était réellement préparé au choc causé par 1000, leur petit dernier.
En restant fidèles à leur mode de composition bordélique (voir interview), les trois musiciens ont tout de même passé un cap décisif en termes de qualité, d'efficacité et de fluidité globale. Pour décrire ce nouvel album, Cheveu a inventé le terme de “lo-fi symphonique“, et il faut admettre que la formule est plutôt bien trouvée. Bricolé et dans le même temps recherché, crade dans ses penchants abrasifs mais carré dans ses constructions mélodiques, 1000 est un paradoxe permanent qui parvient miraculeusement à tenir la route – mieux, il pousse à l'écoute répétée pour en apprécier toutes les audacieuses bidouilles, et se révèle dans le processus d'une grande puissance addictive. Il faut dire que l'album part sur les chapeaux de roues avec deux titres monstrueux : Quattro Stagioni, mini concerto pop-rock malade, scandé par des onomatopées et des arrangements de cordes calés à la perfection ; puis le fulgurant Charlie Sheen, hommage aux écarts de conduite du fameux acteur, aux déflagrations aussi bourrines et jouissives que leur source d'inspiration.
Passés ces deux tours de force, la cadence ne faiblit pas, et le trio enchaîne les bravades en tous genres. Des tortures de boite à rythme par des guitares agressives (Impossible is not French), une reprise apocalyptique de Vanilla Ice (Ice ice baby), une ritournelle bruitiste aux lyrics désabusées (Like a deer in the headlights), une comptine dégénérée en français (La fin au début), des ambiances arabisantes glauques et des chœurs malsains (Bonne nuit chéri)... Tout passe à la moulinette impulsive d'un disque qui laisse pantelant, et laisse augurer d'une transposition scénique qui devrait briser quelques côtes. FC