Comme le champignon Coprin noir d'encre, les œuvres de Jérôme Barbosa trouvent leur maturité dans l'apparition du noir, entre aplats et détails en profusion. La nouvelle exposition du centre d'art Spacejunk dévoile ainsi une partie dense des dessins de l'artiste, entre obsessions, peurs et élucubrations illustratives, tel un champignon hallucinogène. Charline Corubolo
Jérôme Barbosa n'est pas un pirate fasciné par les champignons. Les spécificités de ces organismes eucaryotes permettent simplement de définir, dans une moindre mesure, le travail de l'artiste, entre profondeur de noir et univers halluciné. Assimilé au Lowbrow (mouvance plastique apparue à la fin des années 1970 en Californie et usant de l'iconographie des médias populaires), ce photographe de profession se lance dans le dessin avec ce besoin quasi viscéral de coucher sur papier ce qui bouillonne dans sa tête.
Du trait noir nourri au détail ou d'un aplat sombre jaillissent ainsi ses pensées. L'artiste déballe son vécu : il se confronte aux phénomènes de société (l'œuvre Hors-la-norme qui dévoile une critique cynique de la télé-réalité), mettant en avant ses influences artistiques, littéraires comme cinématographiques, et ses peurs qui prennent souvent la forme des dents – le dessin Happy Slave par exemple. À travers le noir et blanc surgit une forme de tradition de la gravure avec une approche contemporaine du trait, dont l'esthétique emprunte quelque peu à la BD alternative. Mais ce qui fait réellement la force des œuvres de Jérôme Barbosa, dont les scènes oscillent entre surréalisme et allégories faussement sombres, c'est son insaisissable appétit pour l'image.
Il lui Serre
Un attrait que l'artiste autodidacte se découvre à l'âge de neuf ans en tombant sur un album de Claude Serre. Dessinateur français traitant de la mort, du sexe, des loisirs..., il déployait un trait énergique qui ne cachait rien. La chasse aux images est alors ouverte.
Jérôme Barbosa s'intéresse ensuite à l'illustrateur Charles Burns, trouve chez l'artiste Max Ernest un sens du découpage plein de liberté et laisse le 7e art envahir son environnement. Nombre de ses œuvres évoquent d'ailleurs Kubrick et Coppola, à l'image du visuel Les corps caverneux dans lequel les cinéastes sont métamorphosés en jeux de mots grivois soulignant le talent typographe et lettré de l'artiste. Un bouffeur d'image (« je suis juste un énorme tube digestif » confie-t-il) qui défigure, détourne et déforme tout ce que ses yeux voient, de l'actualité à son intimité.
Viva la psychose, jusqu'au samedi 4 avril, au centre d'art Spacejunk