On a visité l'exposition de Spacejunk qui dévoile six artistes se revendiquant du courant Lowbrow.
Ces pirates-là ne sabrent pas les malheureux pour leur butin mais hachent à vif l'art contemporain, boursouflé par sa prétention et son arrogance, à travers un trait incisif. Exit le verre de cristal rempli de champagne : à bord de ce navire Lowbrow, on est imprégnés des effluves de la bière et on navigue aux sons d'une culture populaire qui se dessine au crayon et au pinceau.
Inaugurée vendredi 5 février au centre d'art Spacejunk, l'exposition Lowbrow en France sonde les abîmes de cette mouvance plastique née aux États-Unis dans les années 1970 et qui a jeté l'ancre dans nos contrées depuis une quinzaine d'années. Les considérant comme les capitaines français de ce mouvement, le centre d'art a réuni Berhart, Jérôme Barbosa, Odö, Veks, Ciou et Malojo pour mettre à jour tous les trésors de cet art underground rempli de symbolisme, de détails et d'onirisme aux relents acerbes d'un XXIe siècle à la dérive.
Le club des six
C'est après avoir été présentée à Bayonne et Lyon que l'exposition arrive à Grenoble, avec un accrochage différent de ce qu'on a pu découvrir à Lyon. Au lieu d'un espace découpé par artistes, le parcours s'amuse à mélanger les six marins par affinités thématiques (comme l'enfance) ou par esthétique stylistique créant un parallèle entre les dessins en noir et blanc de grands formats et les toiles colorisées de tailles moyennes.
En mettant de la sorte en résonance les œuvres, l'exposition révèle davantage toutes les nuances et la diversité du mouvement. Un parti pris qui, certes, donne peut-être moins la faveur aux artistes (encore que), mais s'avère tout de même payant en soulignant le caractère baroque et destroy du Lowbrow.
Dans cet univers varié et déjanté, on retrouve les animaux hybrides de Veks, profondément inspirés par la nature. Sur fond noir, avec une touche semblable au ténébrisme du peintre le Caravage, ces créatures surréalistes surgissent telles des chimères sur le fil de son imaginaire débridé.
Berhart, lui, préfère se confronter au noir et blanc dans de grands formats où fourmillent les détails. Tel un chirurgien avec son scalpel, il explore la société en mélangeant à tout va les références populaires, comme avec ce dessin où se décline le lapin, du crétin au playboy, pour des scènes délirantes et sarcastiques.
Le sarcasme n'est jamais loin non plus avec Jérôme Barbosa qui, au moyen du noir et blanc également, scrute l'humain et son environnement dans ses mutations sociétales non sans ironie.
Quant à Odö, ses personnages mi-cartoons mi-humains à l'esthétique tatoo font directement référence à la culture populaire américaine et jettent, par un jeu de miroir, un voile critique sur l'humain.
Les étranges figures boursouflées de Malojo semblent, elles, danser comme des diablotins vicieux sur des airs religieux, tandis que Ciou dévoile un univers psychédéliques où manœuvrent des danseuses faussement candides. Une exposition qui traite de tous les maux de la société et de l'art, sans tabou et avec un symbolisme détaillé et juteux.
Lowbrow en France, jusqu'au samedi 2 avril au centre d'art Spacejunk