Pour sa huitième livraison, Christophe Miossec s'est enfermé avec les musiciens de Dominique A dans une ferme de Rennes. Un disque rock, brut, presque live et qui emballe. Rencontre avec le breton avant son passage à la Source. Propos recueillis par Régis Le Ruyet
Dans quel état d'esprit avez vous abordé l'enregistrement de Chanson ordinaire ?
Miossec : Quand il y a un disque à faire, le problème, c'est le radotage. De tourner en rond, et après de vraiment devenir emmerdant. Par le passé, j'ai essayé quelques changements un peu radicaux. Mais je n'avais pas réussi, et là je trouve que c'est mieux que d'habitude. L'idée était de réfléchir le moins possible. Prendre juste trois jours de répétitions, et attaquer le disque rapidement, sans faire de maquette, sans passer par plein de truc un peu chiant. J'ai tenté la formule, après à savoir si ça marche ou pas, c'est une autre paire de manche.
Comment s'est faite la rencontre avec les musiciens ?
Je me suis retrouvé avec la bande de Dominique A en studio mais comme dans les conditions d'un local de répétition. A la roots, nous vivions les uns sur les autres. A n'importe quelle heure nous pouvions jouer, enregistrer ou nous marrer. Et je me suis retrouvé comme si je passais l'audition pour le groupe. C'était plutôt drôle, parce personne ne savait où nous allions. Chacun est juste venu avec ses idées personnelles et moi avec de quoi allumer le feu de camp. Grâce à cette bande, j'ai eu l'impression de trouver quelques choses d'un peu plus abdominale. Et c'est évident que quand Thomas Poli commence à faire rugir sa guitare, tu n'as pas envie de lui dire de se calmer. Se retrouver à quarante sept ans à faire le con dans une ferme à 4 heures du matin, ce n'est pas les mêmes conditions que d'aller tous les jours en studio.
Pourquoi avoir commencé chacun des titres de votre album par le mot chanson ?
Le groupe était dans le processus, le disque était lancé, et à l'évidence pour faire du rock. J'ai donc voulu mettre chanson à chaque fois, pour justement souligner que je suis un chansonnier. Je n'ai pas le charisme d'un véritable rocker. Et il n'y a que mes textes qui justifient que je puisse en faire mon métier et ma raison d'exister. C'était un peu ramener cela à l'état de chanson, tout simplement. Je pense qu'il y a une tolérance du public quand la personne a des trucs à raconter. Que les gens autorisent à ce que l'on ne soit pas dans le chant pur. Mais j'essaye de faire des progrès. En concert, je me casse le cul pour essayer de sortir vraiment ce que j'ai dans le bide, pas de se cantonner, et de se dire je chante pas terrible et je m'en fous.
Ca vous fait quoi de monter sur scène ?
J'ai toujours eu un drôle de rapport. Nous jouons un peu plus d'une heure et demie. Et c'est devenu super important. Alors qu'à une époque, je pouvais vraiment mal traiter les concerts. Je ne voyais pas, j'avais des problèmes avec cette vie de musicien en général. Et j'ai mis quinze ans à piger que ça peut être fabuleux. De sortir de scène en ayant l'impression d'être au taquet. De ne plus pouvoir donner plus. De prendre des baffes, mais pour avoir ces moments de plaisir, il faut vraiment mettre la tête dedans. C'est assez particulier, je ne connaissais pas. Passer à l'attaque, et vraiment arriver à se vider le corps et la tête.
C'est les mêmes musiciens qui vous accompagnent sur la tournée ?
Dominique a récupéré son équipe pour les concerts de La fossette, et Thomas joue avec Yann Thiersen. C'est une sorte de grosse communauté du grand Ouest. Un peu comme les Petits lapins à Nantes avec Katerine et Jeanne Cheral. Je fais la tournée avec les musiciens du groupe rennais Santa Cruz. J'en connais certains depuis que je suis gamin. Et ça a été pareil, dès les premières répétitions, un, deux, trois, quatre c'était lancé. Je me suis rendu compte que c'est plutôt intéressant de travailler avec quatre personnes qui sont amis depuis quinze ans voir vingt ans. Avec eux, au moins je me frotte à une bande. L'idée de mon prochain disque serait de partir avec Santa Cruz en studio. Nous avons déjà commencé à bricoler de nouvelles chansons. J'aimerai partir, contrebasse et guitare acoustique. Mais pas pour faire des ballades, c'est ce qu'il y a de plus facile à composer. J'ai quand même envie de conserver cet énervement, cette hargne, un truc qui fait que l'on ne passe pas facilement à la radio.
Repères
Naissance le 24 décembre 1964 à Brest (Finistère)
1994 Rencontre les guitaristes Guillaume Jouan et Bruno Leroux
1995 Boire, fondateur de la nouvelle vague de la chanson française avec Dominique A
1997 Baiser, avec Guillaume Jouan
1998 A prendre, avec Guillaume Jouan
2001 Brûle, « Madame » est un hommage à Juliette Greco
2004 1964, l'album des 40 ans
2006 L'étreinte, « La Facture d'électricité » passe en boucle sur les radios
2007 Brest of
2009 Finistériens, avec Yann Tiersen
2011 Chansons Ordinaires, Sébastien Buffet, batterie, David Euverte, clavier, Thomas Poli, guitare