Un des derniers monstres sacrés de la direction rossinienne nous fait l'honneur de fouler le sol stéphanois. C'est Alberto Zedda, soi-même, qui dirigera le énième «Barbier de Séville» de sa très longue carrière. Mais pour cet immense Maestro, «quand on aime, on ne compte pas !» Alain Koenig
Il serait incongru de mentionner son âge, mais les biographes officiels s'accordent sur le fait qu'il débute sa carrière de chef d'orchestre à La Scala en 1956, à presque trente ans, après de brillantes études au Conservatoire de Milan, où il côtoie Votto et Giulini...De 1959 à 1969, il se spécialise dans la direction d'opéra italien dans les plus illustres maisons de la planète, du New York City Opera au Deutsche Oper de Berlin, tout en se consacrant, avec la passion qui le caractérise, à l'enseignement du bel canto ainsi qu'à la recherche musicologique. En 1969, sa réédition d'une toute nouvelle partition du Barbier de Séville fera l'effet d'une tempête dans le verre d'eau de la musicologie. Le chef d'œuvre revisité par l'orchestration de Zedda se voit débarrassé de toutes les scories et strates successives d'une tradition interprétative adipeuse, et retrouve le lustre pétillant de l'œuvre irrévérencieuse du siècle des Lumières qui inspira tant Rossini. Il y a donc bien un «avant» et un «après» Zedda dans l'interprétation du Barbier de Séville au XXème siècle, préfigurant sans doute la révolution des «baroqueux» une décennie plus tard. Claudio Abbado lui-même gravera au disque cette dernière version en 1972 et Zedda la dirigera pour ses débuts à Covent Garden en 1975...
«Per un barbier di qualità !»
Le travail de restitution musicologique du maestro permettra de «dépoussiérer» également les orchestrations d'œuvres de Monteverdi, Bellini ou Donizetti. Autant dire qu'Alberto Zedda dirigeant son œuvre fétiche à Saint Etienne aurait pu relever du canular, en tout cas de l'improbable. C'est pourquoi il serait fort peu judicieux de ne pas réserver sa soirée, ne serait-ce que pour entendre le travail qu'il ne manquera pas d'accomplir avec l'orchestre et les chanteurs. On apprend toujours beaucoup de l'humilité déconcertante des grands artistes. Est-il utile de préciser que c'est sa version qui sera jouée à Saint - Etienne? La distribution de cette production sera à l'image de ce fier octogénaire, jeune et vocalement très présente. Philippe Talbot en Almaviva, Gaëlle Arquez en Rosine et Florian Sempey (brillant interprète du Mage le mois dernier) devraient tailler les rouflaquettes à un Rossini aussi malicieux qu'enthousiasmant !
Le Barbier de Séville de Rossini
Du 30 janvier au 3 février 2013
Opéra-Théâtre de Saint-Etienne