Les mythes, l'oeil et les sensations

Les mythes, l'oeil et les sensations
Jérémy Demester

Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Le Musée d'art moderne et contemporain présente trois artistes encore peu connus du grand public. Soit trois univers plastiques différents nous entraînant aux confins des mythes, des dispositifs de vision et de familles hybrides imaginaires.

J'étais saoulé d'images » lance abruptement Jérémy Demester lors de la présentation de son exposition à la presse. « J'ai donc consulté et acheté des livres anciens, des traités ésotériques, dont les images ne sont pas répertoriées ni reproduites sur Internet. » Le jeune artiste, né à Digne en 1988, s'intéresse, depuis plusieurs années, aux traces visuelles les plus anciennes et les plus rares, aux rites Vaudou du Bénin où il s'est rendu à plusieurs reprises, aux sculptures antiques et aux ruines, « à ce qui libère de l'intérieur des statues le sacré qu'elles contiennent ».

Une vingtaine de petites gravures à l'eau forte constituent le cœur de son exposition (pour laquelle il a reçu le Prix des partenaires 2016 du MAMC). Certaines d'entre elles ont été agrandies et partiellement repeintes... Chaque image est composée d'une trame irrégulière de points bleus, à la manière des techniques de tatouage. Les figures hybrides de Jérémy Demester, issues de diverses mythologies ou religions, semblent ainsi constituées d'une matière pulvérulente et fragile. A quoi tient une représentation se demande-t-on devant ces œuvres ? A peu de choses, mais à des choses essentielles : en la croyance aux images malgré tout, en la croyance en leur capacité à toucher au sacré et aux questions essentielles de la condition humaine.

L'œil et ses labyrinthes

Au contraire de Jérémy Demester, c'est essentiellement à partir d'images trouvées dans des magazines et sur internet que dessine quotidiennement l'italien Marco Tirelli (né à Rome en 1956) sur ses carnets, à la manière d'un journal intime. Son ami et commissaire d'exposition, Ludovico Pratesi, l'a convaincu de les exposer (en les redessinant sur des feuilles de plus grand format) pour la première fois dans un musée, alors qu'ils lui servent habituellement de point de départ à des peintures ou à des sculptures.

Sur une immense cimaise du MAMC, Marco Tirelli présente rien moins que quatre cents dessins ! Le noir et blanc domine, mais les motifs sont, eux, des plus hétéroclites : de simples projections de masses d'ombre au sol, des figures abstraites géométriques, des personnages aux allures de cinéma expressionniste allemand du début du 20e Siècle, des machines (télescope, guillotine...) représentées de manière très réaliste, des fragments d'architectures... Cet ensemble hétérogène de dessins prend cependant une cohérence plastique forte, conduisant notamment le spectateur à s'interroger sur le regard : les images de Tirelli sont pour beaucoup des dispositifs ou des « pièges » à regards. Devant un motif hyperréaliste comme devant une simple ombre nébuleuse de Marco Tirelli, nous prenons un plaisir étrange à nous laisser entraîner dans des espaces et des compositions énigmatiques. Tout devient ici questionnement visuel, mystère, secret enfoui.

Carnaval des sensations

Changement de décor complet dans le cabinet d'art graphique du Musée où Marine Joatton (née en 1972) laisse s'épanouir ses formes spontanées et ses couleurs bigarrées. Son exposition «Un air de famille » réunit une multitude de gouaches et d'huiles sur papier, réalisées ces deux dernières années. « Je peins, dit l'artiste dans un entretien, pour provoquer des émotions chez les autres, distinctes des miennes. Mais à la base il y a toujours une émotion, plus exactement des myriades d'émotions. Cela touche à quelque chose de très sensible. » Fouillant ses émotions comme ses démons intérieurs, Marine Joatton en fait rejaillir sur le papier des « portraits » de personnages mi-enfants mi-bêtes, mi-humains mi-monstrueux, ou encore de « grosses têtes » disloquées qui évoquent à la fois l'art africain et le cubisme... La tristesse et la joie éclatent, tour à tour, dans cette sorte de carnaval imaginaire. Les références fourmillent dans la tête du visiteurs (Alice aux pays des merveilles, côté littérature, l'Expressionnisme, Watteau, Jérôme Bosch, côté peinture), mais Marine Joatton vit avant tout sa création comme un acte existentiel, une nécessité intérieure, et une volonté de se surprendre elle-même, de se laisser embarquer sans repères dans une odyssée mouvementée de couleurs et de figures.

Jérémy Demester « 33 Engravings for Benji's Revenge » jusqu'au 15 janvier, Marco Tirelli jusqu'au 29 janvier et Marine Joatton « Un air de famille » jusqu'au 12 février au Musée d'art moderne et contemporain

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 5 juillet 2023 Fermé pour rénovation jusqu'au printemps 2024, le Musée d'Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole présente une exposition hors les murs à la Cité du (...)
Mardi 7 juin 2022 La Biennale a fait du continent africain son invité d’honneur : enfin! pourrait-on dire, tant il est impératif, si l’on veut observer le monde avec un peu (...)
Mardi 30 novembre 2021 Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne Métropole présente actuellement une nouvelle expo dédiée à la donation récente du couple de galeristes Durand-Dessert, qui entre en dialogue avec la collection du musée.
Mardi 5 octobre 2021 Pour sa toute dernière exposition, le Musée d’art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne Métropole a offert une carte blanche à Lionel Sabatté, qui propose une cinquantaine d’œuvres spécialement conçues pour l’occasion.
Mardi 4 juin 2019 Avec Au seuil de soi, l'artiste français Gyan Panchal met en scène des volumes massifs où les matériaux sont réduits à leur plus simple expression, ainsi que (...)
Mercredi 9 janvier 2019 Dans le cadre de son trentième anniversaire, le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole présente conjointement pas moins de cinq nouvelles expositions, défendant des thématiques qui se répondent intelligemment ou se...
Mardi 4 septembre 2018 Après une année passée en Chine à combler près d’un million de visiteurs, une cinquantaine de chefs-d’oeuvre de la collection du MAMC+ rentre au bercail (...)
Mercredi 2 mai 2018 Le Musée d'Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne Métropole n’en finit pas de fêter son trentième anniversaire. L’exposition consacrée à l'artiste indien Anish Kapoor laisse la place à deux nouvelles expositions qui mettent à l’honneur la...
Mardi 28 novembre 2017 Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole fête en grande pompe son trentième anniversaire, proposant simultanément une singulière exposition du Britannique Anish Kapoor et une abondante sélection d’œuvres puisée dans les...
Mardi 2 mai 2017 Parmi les expositions en place au Musée d'Art Moderne et Contemporain, il en est une qui étonne, impressionne et questionne à la fois. L’artiste catalan (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X