On sait depuis Spider-Man qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Mais comment les assumer si l'on a pas encore conscience d'en posséder un ? Dans Thelma, son éveil chez une jeune femme coïncidera avec la résolution radicale de son Œdipe. Hypnotique.
La post-adolescence féminine a toujours suscité fascination et fantasmes : un corps qui se métamorphose et devient apte à concevoir peut bien recéler d'autres prodiges plus secrets encore. Pouvoirs supra-naturels ou appétits déviants figurent alors en bonne position — demandez à la Carrie de Stephen King, ou aux deux sœurs de Grave (2016) leur avis sur la question. Joachim Trier à son tour a succombé à la séduction janusienne de cette nouveauté, qui dans le même temps attire et effraie avec Thelma, portrait d'une jeune femme résolument différente.
Issue d'une famille rigoriste vivant en marge du monde, Thelma arrive à la faculté avec sa solitude et sa timidité. Une soudaine crise épileptoïde survenue à la bibliothèque lui permet de socialiser avec Anja, qui devient son amie et l'initie à la vie : boisson, cigarette et même davantage...
Pupille absente...
Film fantastique qui se retient le plus longtemps possible avant de s'affirmer comme tel, et se maintient sans faillir dans un minimalisme bienvenu, Thelma opère une très efficace synthèse entre mysticisme nordique et parapsychologie. La tension est ici continue, d'autant plus aiguë que l'on ignore la provenance réelle de la menace pesant sur l'héroïne : intérieure avec ses crises de “haut mal” ou extérieure face aux “autres”, parents et amis. Le trouble véhiculé par Eili Harboe est contagieux, qui se révèle inquiétante sans recourir aux artifices du genre. Même constat quant aux scènes ouvertement sensorielles et sensuelles, que Trier débarrasse de l'attirail porno-soft pour en offrir une variation farcie de symboliques bibliques. Et c'est logique : Thelma est davantage victime de son auto-suggestion et de son imaginaire nourri de représentations de la géhenne que d'images érotiques.
S'il est officiellement assorti d'un avertissement du fait “de scènes, des propos ou des images pouvant heurter la sensibilité des spectateurs”, le film présente sans doute plus de risques pour les spectateur·trice·s épileptiques photosensibles, soumis à un généreux bombardement de flashes stroboscopiques.
Thelma de Joachim Trier (Nor.-Fr.-Dan.-Sué., 1h 56 avec avert.) avec Eili Harboe, Okay Kaya, Ellen Dorrit Petersen...