De Olivier Babinet (Fr.-Bel., 1h29) avec Gustave Kervern, India Hair, Ellen Dorrit Petersen...
Un futur inquiétant, où il ne reste qu'une seule baleine. Scientifique dans un institut de recherches maritimes, Daniel s'échine à essayer de faire s'accoupler des poissons et échoue à trouver l'âme sœur. Son existence change lorsqu'il ramasse sur la plage un poisson mutant doté de pattes...
Initialement prévu le 1er avril sur les écrans, jour ô combien adapté à une fable poissonneuse, ce film avait dû pour cause de confinement rester le bec dans l'eau attendant l'avènement de jours meilleurs. S'il est heureux de le voir émerger, on frémit en découvrant le monde pré-apocalyptique qu'il décrit en définitive aussi proche du nôtre : certains ne prophétisent-ils pas la pandémie comme faisant le lit de la 6e extinction massive ? Guère optimiste, mais comme s'en amusait Gustave Kervern, « je ne joue que dans des films tristes ; je refuse les films gais ».
Au-delà de la boutade, Poissonsexe marie les menaces du conte philosophique d'anticipation et la poésie du parcours sentimental de Daniel, colosse au cœur de fleur bleue égarée dans un monde où amour et procréation sont totalement décorrélés ; où les couleurs froides font écho aux relations du même tonneau.
Après la parenthèse lumineuse que constituait son documentaire Swagger, Olivier Babinet renoue donc avec les itinéraires tourmentés d'anti-héros tragi-comiques — voir son premier long Robert Mitchum est mort. Il creuse toutefois un sillon autour des personnages plus que solitaires : si habités par leur singularité qu'ils finissent par l'accepter pour la revendiquer. Après tout, il n'a pas tort : une perle rare finit toujours par briller.