Chronique / de Thomas Stuber (All., 2h) avec Sandra Hüller, Franz Rogowski, Peter Kurth...
Embauché comme manutentionnaire de nuit dans un hyper, le taciturne et tatoué Christian est adopté par Bruno, le chef du rayon “boissons“ qui lui enseigne les petits secrets du métier, la pratique du charriot-élévateur et remarque qu'il flashe sur leur collègue Marion, des “sucreries“...
De la vie, des amours et de la mort des invisibles... Ce portrait d'un groupe d'employés d'un “géant“ (au sens de Le Clezio) en raconte autant sur le monstre vorace où se situe l'action — un puits sans fond dont il faut inlassablement charger les rayonnages et les étals, dévorés par des meutes de clients ; où il faut purger vers les poubelles les produits menacés de péremption — que sur les protagonistes chargés de ces besognes.
Petite collectivité avec ses territoires organisés, ses prérogatives, ses alliances et ses routines, le monde de l'arrière-boutique apparaît malgré tout comme un royaume apaisé et bienveillant ; une enclave où des individus cabossés viennent se réchauffer ou se raccommoder : pas (ou peu) de pression hiérarchique, pas (ou peu) de contact avec la clientèle, pas (ou peu) de questions intrusives — et cependant dans ce vaste espace saturé de caméras de surveillance, les aléas intimes sont connus de chacun·e.
Thomas Stuber suit avec une tendresse manifeste le parcours de ses personnages, gens ordinaires physiques du quotidien. Cela mérite d'être souligné quand chez certains, l'empathie est de façade. Les deux nouveaux visages du cinéma allemand Sandra Hüller et Franz Rogowski forment ici un touchant “non-couple“dont la relation pulvérise la grisaille ambiante. Cette douce valse mériterait de faire danser le public tout l'été.