En salles / Dalva n'a que 12 ans mais elle se voit comme une adulte, vivant en vase clos avec son père. Pour l'arracher à cette relation mortifère, elle est placée en foyer où, auprès d'une équipe d'éducateurs et d'autres résidents de son âge, elle va progressivement apprendre à redevenir une enfant de son âge...
À voir
★★★☆☆Dalva
Dalva n'a que 12 ans mais elle se voit comme une adulte, vivant en vase clos avec son père. Pour l'arracher à cette relation mortifère, elle est placée en foyer où, auprès d'une équipe d'éducateurs et d'autres résidents de son âge, elle va progressivement apprendre à redevenir une enfant de son âge...
On appelle cela un sujet casse-gueule : comment évoquer une thématique ultra-sensible en évitant d'épouser les poncifs manichéens... sans être suspectée de complaisance, de vouloir surfer sur un trouble désir de scandale ni sur l'exploitation du voyeurisme du public ? Le tout, dans un contexte où le renforcement des verrous moraux et de la pudibonderie place la moindre expression (fût-elle artistique) sous la surveillance continue de meutes de trolls plus fascinées par le goût du sang que par la compréhension de mécaniques complexes. En l'occurrence ici, celle de la reconstruction, difficile d'une gamine, considérée comme une “addict“ en sevrage, que le boulot patient et méthodique va déconditionner et, en quelque sorte, réinitialiser — le récent Petites et La Tête Haute avaient montrer des relation jeune-éduc similaires. Le chemin est long et cahoteux, entre l'acceptation de la situation de Dalva ainsi que le fait d'être identifiée comme étant résidente du foyer. Dès lors qu'elle voit les autres comme des pairs, elle comprend quelle est réellement sa place. L'interprétation de la jeune Zelda Samson joue pour beaucoup dans cette réussite sans aucune équivoque.
De Emmanuelle Nicot (Fr.-Bel, 1h20) avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Marie Denarnaud...
★★★☆☆ De grandes espérances (voir la critique)
De Sylvain Desclous avec Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot
★★★☆☆ Sur les chemins noirs
Écrivain dandy et fanfaron, habitué aux excès acrobatiques, Pierre a provoqué le diable une fois de trop. Résultat ? Une chute ayant failli lui coûter la vie. À sa sortie de l'hôpital, il entreprend une longue marche en forme de rédemption sur les chemins de traverse de l'Hexagone, de la Méditerranée à la Manche...
Comment se relever après être tombé ? Et surtout, pour quoi faire : redevenir identique à ce que l'on était avant de choir ou bien, tenter d'avancer différemment — non plus à la verticale, mais à l'horizontale ? C'est évidemment cette option, très symbolique, que suit le personnage de Pierre dans ce road movie plus inspiré qu'adapté de Sylvain Tesson : ici, la contemplation prend le pas sur une logorrhée introspective et sentencieuse qui eût été redondante avec la composante visuelle. Certes, le verbe est bien présent (par la voix off) mais il fait l'économie des pensées erratiques et des lieux communs paysagers, ce qui permet à l'image d'investir en profondeur le temps autant que l'espace. Ainsi, le film est-il construit dans une mise en parallèle constante d'instants “d'avant“ et “d'après“ l'accident qui font presque coïncider le plus bas (la chute le menant aux portes de la mort) avec le plus haut — la fin du voyage, salvatrice, face à la mer que tout homme libre se doit de chérir. Une rupture dans la carrière de Jean Dujardin qui se confronte ici, quel paradoxe en pleine nature, à l'intériorité et la retenue. Et s'ouvre à de nouveaux horizons.
De Denis Imbert (Fr., 1h35) avec Jean Dujardin, Izïa Higelin, Anny Duperey...
★★★☆☆ Le Bleu du Caftan
Salé, au Maroc. Brodeur réputé de caftans, le taiseux Halim vit avec son épouse Mina qui, bien que gravement souffrante, l'aide à tenir boutique. L'arrivée d'un jeune apprenti va troubler l'équilibre du couple : Halim étant plus naturellement porté sur les hommes. Une sorte de ménage à trois s'instaure...
Gros plans sur des mains travaillant finement l'étoffe, la soupesant ou la caressant avec sensualité. Interceptions de regards lourds de sens, non-dits ; rendez-vous secrets au hammam ou seuls des frôlements de pieds masculins sont filmés. Silences plutôt que confessions ; images d'une silhouette émaciée pour évoquer la maladie... En tout point, la cinéaste Maryam Touzani choisit le minimalisme allusif pour aborder les sentiments extrêmes gouvernants cette histoire entre éros et thanatos... et surtout entre deux hommes. Il s'agit d'une figure de style autant qu'une nécessité vraisemblablement pour ne pas encourir les foudres de la censure marocaine — pour mémoire, Much loved (2015) du même co-scénariste Nabil Ayouch avait subi de très violentes attaques et même été interdit parce qu'il représentait une réalité niée par le pouvoir. Le Bleu du caftan égratigne également la hiérarchie sociale défilant dans la boutique de Halim. D'ailleurs, peut-être que le regard acerbe sur la bourgeoisie locale est plus dérangeant pour le royaume chérifien que l'évocation du tabou de l'homosexualité.
De Maryam Touzani (Fr.-Mar.-Bel.-Dan., 2h04) avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui
★★★☆☆ Chili 1976
Chili, trois ans après le coup d'État par Pinochet, alors qu'une répression sanglante bat son plein. Épouse d'un médecin haut placé, Carmen quitte Santiago pour préparer la maison de famille avant les vacances. Sur place, un prêtre lui demande de soigner un jeune homme blessé — un opposant qu'elle va aider...
Attention, coup de poing et coup de cœur pour ce premier long métrage d'une extraordinaire maîtrise offrant à la fois un instantané de la situation chilienne du côté des privilégiés soutenant (ou demeurant volontaires aveugles devant) les exactions du régime, et un portait de femme s'affranchissant enfin de sa “condition” — d'épouse docile, de mère, de grand-mère... - pour retrouver son libre-arbitre. Se pliant aux règles de la clandestinité, elle mène alors une double-vie autonome, en marge de son existence bourgeoise. Le film oblique alors vers un thriller où le sentiment de menace s'avère d'autant plus terrifiant qu'il est diffus et non incarné. Au-delà de sa reconstitution soignée, la cinéaste Manuela Martelli convoque un climat cinématographique rappelant l'atmosphère des années 1970 : tonalités beiges, image aux flous graisseux et surtout, une partition extraordinaire de Mariá Portugal, avec des nappes lancinantes dignes des ambiances composées jadis par Wendy Carlos ou Pino Donaggio. Autant que la réalisatrice ou que l'interprète de Carmen, Aline Küppenheim, la musicienne contribue à instaurer le crescendo dramatique faisant de Chili 1976 une œuvre douloureusement admirable. Des talents à suivre.
De Manuela Martelli (Chil., 1h35) avec Aline Küppenheim, Nicolás Sepúlveda, Hugo Medina...
★★★☆☆ Valentina
Porteuse de trisomie 21, la petite Valentina en a assez de son handicap qui, pense-t-elle, l'empêche d'accomplir son rêve : devenir trapéziste. Très attachée à sa grand-mère avec qui elle passe beaucoup de temps, elle s'interroge à sa brutale disparition. Et part en voyage — imaginaire — à sa recherche...
Beaucoup d'intelligence et de sensibilité ont présidé à l'écriture et la réalisation de cette pépite de l'animation espagnole. Outre le fait qu'il s'agit d'une vraie comédie musicale (qui permettra aux réfractaires de réviser joyeusement la table de 7), Valentina aborde une foule de sujets préoccupant enfants et parents : comment aborder le deuil, comment se projeter dans la vie (que l'on ait à surmonter une difficulté, une différence personnelle ou pas)... le tout en banalisant la représentation de personnages justement peu représentés à l'écran — sans pour autant les idéaliser dans un esprit dame-patronnesse ni pencher vers le validisme. Valentina est ainsi une petite fille à laquelle beaucoup d'autres de son âge pourront s'identifier, avec son imagination débordante, ses aspirations et ses petits mouvements d'humeur ou d'impatience. Du beau travail.
Animation de Chelo Loureiro (Esp., 1h05) avec les voix (v.f.) de Laetitia Casta, Jeanne Métivier, Sarah Vergès...