Interview / Britannique chouchou des Français, Charlie Winston revient avec un 5e album, As I am, plus introspectif que les précédents. Alors que sa tournée passera par Saint-Étienne à l'occasion du festival Paroles et Musiques, il a accepté de répondre à quelques questions, dans un français quasi-impeccable. Rencontre.
Tu fais de la musique depuis tout jeune, mais le succès, lui, n'est pas venu tout de suite. Quels souvenirs gardes-tu de la période qui a précédé Like a hobo, durant laquelle tu n'étais pas encore connu et reconnu ?
Ce sont d'excellents souvenirs ! C'est vrai que j'ai toujours été en contact avec la musique, mes parents chantaient ensemble dans un duo, et, quand j'ai eu deux ans, ils ont ouvert un hôtel en Angleterre, où des artistes se produisaient régulièrement. Quant à moi, j'ai mené de très nombreux projets artistiques dans lesquels je me sentais vraiment libre, je suis multi-instrumentiste, et j'ai pu jouer dans plein de groupes, faire de la musique pour le théâtre...
Tout cela a beaucoup contribué au style « Charlie Winston » qui a émergé après. Quand j'ai démarré ma carrière solo, avec Like a hobo, j'ai dû arrêter tout le reste. Après ça, c'est devenu juste moi, et toujours moi, et j'avoue que ça a été un peu frustrant.
Tu es anglais, mais le succès est venu de France... Est-ce que ça a été un coup de cœur réciproque, entre toi et notre pays ?
Je suis très reconnaissant de ce succès en France. Mais j'avoue que ça a été un peu bizarre... Un peu comme un enfant adopté, j'ai eu besoin de comprendre pourquoi c'est moi, que les Français avaient choisi. Et puis, il y a eu tout un tas de signes, qui m'ont beaucoup aidé à accepter ce qu'il se passait, sans chercher à comprendre à tout prix.
Par exemple, il se trouve que j'ai rencontré mon épouse à Los Angeles, à un moment où j'avais vraiment besoin d'un break avec la France... Or, elle est française ! Ce sont ces choses-là, ces coups du destin, qui m'ont permis d'intégrer que pour être libre, il fallait que j'embrasse totalement ce qu'il m'arrivait, sans résistance.
Aujourd'hui, tu as donc embrassé la France... Est-ce que tu pourrais envisager de faire un album en français ?
Oh la la, j'avais senti venir cette question... Je ne sais pas. En fait, en tant qu'artiste, j'ai l'impression d'être un peu un écrivain. Et je suis un peu fier de ça, mais c'est seulement parce que j'écris dans ma langue, que je maîtrise totalement. Pour le moment, je ne manie pas assez bien le français, pour envisager d'écrire dans cette langue. Peut-être qu'un jour, ce sera possible.
Passons à ce 5e album, sorti l'an passé. Il s'intitule As I am, en français, cela donne
« Tel que je suis ». Est-ce qu'en vieillissant, tu t'es senti prêt à te montrer tel que tu es, ou est-ce tout simplement qu'avant ça, tu étais un peu perdu?
Je ne crois pas que j'étais perdu... Par contre, certains événements de ma vie m'ont permis de me découvrir davantage. En fait, j'ai vécu avec de très grandes douleurs au dos, depuis ma naissance, et durant de très nombreuses années. J'ai longtemps cherché des solutions, sans trouver. En 2016, j'ai lu un livre qui traitait des douleurs psychosomatiques, et j'ai ensuite passé un an avec un psychologue, à travailler là-dessus... Et mes douleurs ont disparu.
Ce travail m'a permis de me concentrer sur moi, de me rencontrer, d'une certaine manière. Puis, j'ai profité de la période du covid pour réfléchir, à ma famille, à mon lieu de vie, à la puissance de ma vie, à ma liberté, à une méthode pour entretenir de meilleurs rapports avec les autres. Et j'ai écrit cet album.
Est-ce qu'il s'agissait également d'une bonne manière de faire le point, de t'ancrer dans la réalité de ce que tu es, là où l'industrie musicale peut parfois attendre des choses de toi qui ne te ressemblent pas tout à fait ?
Je crois que, là-dessus, il y a toujours un équilibre à trouver. Les chansons que j'écris, je les écris toujours pour moi, à la base. Avoir du succès est à double tranchant. C'est très enthousiasmant, de savoir que les gens aiment ce que tu fais, mais c'est également dangereux car tu peux être tenté de faire des choses simplement pour leur plaire.
Et moi, je ne veux pas faire quelque chose qui soit juste commercial. En sachant ça, j'ai toujours essayé d'écrire ce que je voulais, pour exprimer ce que j'ai au fond de moi.
Sur cet album, tu as collaboré avec Vianney. Il a été comme un miroir, pour toi ?
Avec Vianney, on est très similaires, mais on est également différents sur certains points. Sa musique est lumineuse, un peu comme la mienne, sauf que dans la mienne, parfois, il peut y avoir quelques nuages, ça peut être plus dark ! En tout cas, j'ai pu avoir une totale confiance en ses décisions, parce qu'il a fait preuve de beaucoup de respect vis-à-vis de mon travail. Notre collaboration s'est faîte de manière très naturelle.
En presque 15 ans de carrière solo, ta musique a pas mal évolué... Est-ce que ton personnage scénique a évolué également ?
Je suis toujours la même personne à la base ! En fait, je n'ai pas changé, juste évolué. Ce qui est normal, puisque la vie change ! Je crois aussi que le hobo était plus un personnage pour moi, aujourd'hui, j'ai des enfants, une famille... J'ai sans doute moins besoin de ce personnage...
Sur scène, je suis dans la lumière, je présente quelque chose de moi, mais je donne toujours la même énergie, et je crois que le public me fait confiance pour ça.
Charlie Winston + Zaho de Sagazan, jeudi 25 mai au Fil de Saint-Étienne, dans le cadre du festival Paroles et Musiques