Que ce soit via Feydeau (La Dame de chez Maxim), Büchner (La Mort de Danton), Brecht (La Vie de Galilée) ou lui-même (Italienne, scène et orchestre), les Grenoblois ont maintes fois eu l'occasion de se rendre compte du talent certain de Jean-François Sivadier pour la mise en scène. En développant un propos réfléchi sur les œuvres qu'il monte, l'homme arrive ainsi à construire des spectacles intelligents, généreux et accessibles d'une très grande force. Des qualités qui ne font pas défaut à Noli me tangere, sa dernière proposition en date dont il a lui-même signé le texte. Soit une pièce monstre (2h45 tout de même) située « en l'an 27 de notre ère dans le royaume de Judée ». Avec le personnage mythologique de Salomé, qui une fois de plus dansera devant Hérode, son beau-père, et obtiendra la tête de Saint Jean-Baptiste, cousin et annonciateur du Christ.
S'amuser avec l'un des passages de la Bible ? Le pari a le mérite d'être osé. La troupe de fidèles de Sivadier s'empare du texte avec gourmandise : les comédiens sont excellents, comprenant parfaitement ce que le metteur en scène attend d'eux. Et notamment, comme toujours, Nicolas Bouchaud, artiste expressif remarquable qui campe un Ponce Pilate volontairement grand guignolesque, à la manière des ces tyrans qui emprisonnent les fauteurs de trouble en espérant coûte que coûte tuer les révolutions dans l'œuf – avec l'actualité, la relecture de Sivadier prend une dimension supplémentaire. En découle alors un spectacle enlevé, malheureusement en dents de scie : la pertinence de Sivadier est inégale, certains passages amoindrissant quelque peu l'ensemble. Qu'importe, la fougue emporte littéralement le tout, qui va chercher aussi bien du côté du vaudeville, du cabaret que du théâtre épique.
Noli me tangere, du mardi 15 au vendredi 18 mars à la MC2.