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Entretien / Monsieur Gonzales revient avec nous sur la genèse de son nouvel album, Soft Power, à l’occasion de son passage à l’Épicerie Moderne. Propos recueillis par François Cau
Gonzales : Je n’avais jamais vraiment chanté, c’était quelque chose que quelque part je me suis toujours interdit. Je ne suis pas né pour chanter, mais plus pour jouer du piano ou faire de la scène. En ayant travaillé avec des chanteuses comme Feist ou Jane Birkin, j’aurais pu me dire que ce n’était définitivement pas mon truc, mais au contraire ça m’a conforté dans une certaine idée que ça valait le coup de faire passer des émotions par ce biais-là.La voix participe de l’alchimie étrange de l’album, où le second degré n’apporte pas forcément de l’humour mais plutôt une forme d’amertume.
C’est sûr que l’émotion premier degré a toujours été mon but musicalement. Après je conserve les autres degrés parce que l’image de l’artiste authentique, inspiré, ne me va pas.
C’est pour ça que je lutte pour représenter Gonzales autrement, pour que les gens ne me casent pas dans cette image-là. Je me ressens comme un "entertainer", ce qui n’est pas contradictoire avec le fait de vouloir créer de l’émotion, au contraire. Sur cet album comme sur tous les autres, il y a cette apparente désinvolture qui voile un travail de production recherché ; en gros, on a l’impression d’un bourreau de travail qui essaie de toutes ses forces d’avoir l’air d’un branleur…
J’ai une approche assez militaire par rapport à la musique, j’essaie de planifier tout ce que je fais, d’avoir une réaction en réserve pour chaque inattendu. C’est comme ça qu’on planifie une guerre : on a un plan détaillé, dès que quelque chose change, le plan suit. Je ne cherche pas l’accident, mais je sais que si accident il y a, je serai prêt. Ça fait très “art de la guerre“, tout ça…
En général, je crois que pour construire une carrière, il faut l’envisager comme une stratégie, comme une campagne politique, partir du principe qu’il faut vendre pour exister. Je trouve à ce titre irrespectueux les artistes qui trouvent ça chiant de devoir vendre, de faire de la promo.
Il faut faire le maximum pour communiquer avec le plus de monde possible. Même pour l’album Solo Piano, je l’ai traité comme si c’était un album de tubes pour récitals. Je respecte tout le processus commercial, c’est aussi ça qui fait pour moi qu’on ne prend pas les gens pour des cons, car malheureusement la musique ne fait pas tout.
Quand j’achète un disque, c’est souvent pour des raisons extra musicales : l’écho médiatique, le projet en lui-même, voire juste la pochette. Assumer cette part de superficialité, c’est pour moi une forme de respect, c’est d’ailleurs ce que je dis dans Working Together, “I respect the bullshit“.À tes débuts, tu faisais de la provocation pour secouer les genres musicaux où tu officiais. À présent, tu es on ne peut plus intégré à la scène musicale française au sens large. Cela a-t-il joué dans la réalisation de l’album ? Y a-t-il à cet égard un message caché dans le clip de Working together ?
Oui, ce n’est pas caché, c’est tout évident, il y a un prix à payer pour rentrer dans un système. Je ne suis plus un outsider. Il fallait trouver justement pour cet album une formule, dans la musique et dans les textes qui rendent compte de ce fait.
Comment opère quelqu’un qui est dans le système ? Il rentre en studio, il ne s’autorise pas de bidouillages, il demande à un autre de réaliser l’album, et c’est comme ça que j’ai procédé.
Ce n’était pas pour faire une parodie de chanteur, j’essaie vraiment de faire comme un chanteur normal, avec mes sentiments. Je ne pouvais pas renier le système, rentrer chez moi et bricoler un album dans un coin, ça aurait été un mensonge.
C’est pour ça que ces textes-là, qui parlent des relations à travers le prisme du rapport de force, sont sortis.Et c’est pour ces raisons que tu t’entoures pour la première fois d’une vraie formation sur scène ?
Exactement. J’étais jusque-là assez protégé entre le piano et les bandes play-back de la période hip hop, c’est la première fois que je vais me forcer dans l’intimité avec des gens sur scène.
Je voulais le maximum de challenge, mais surtout pas de dictature. J’aurais pu prendre des musiciens de plaisance, leur dire tu joues ça comme ça, point. Mais je préférais avoir des artistes qui ont une très forte personnalité aussi, pour qu’on rentre dans le rejet de l’ego, puisque l’album parle de ça. Gonzales et l’ensemble Together Live.
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