article publi-rédactionnels
Sous l’impulsion de Matthew Vaughn et de son producteur Bryan Singer, ce reboot de la saga mutante a le mérite de poser de bonnes questions, et nous venge avec les honneurs des récents blockbusters super-héroïques. François Cau
Tout le monde a sa propre vision du super-héros. Un individu extraordinaire, à même de pallier ses (nos ?) frustrations en devenant quelqu’un d’autre ; une métaphore de toutes les minorités, vouées à se dépasser face à l’adversité ; ou juste un frimeur en costume moulant qui, “en vrai“ tiendrait deux minutes dans une favela brésilienne. Mais par un savant mélange de simili hasard et d’opportunisme qui fait marcher son usine à rêves depuis de trop nombreuses décennies, Hollywood nous a récemment imposé un seul modèle, à travers les figures d’Iron Man, Green Hornet et Thor : le fils à papa arrogant, m’as-tu-vu, qui se lance dans la baston justicière comme d’autres feraient un caprice pour qu’on leur achète un scooter, avant de réaliser que bon sang de bois, quand on a de grands pouvoirs, on a comme qui dirait de grandes responsabilités. Et de fait, on redoute dans les séquences d’introduction de X-Men au commencement que la recette ne soit de nouveau appliquée sur la personne du mythique Professeur Xavier, qu’on a toujours connue vieux - pardon, sage - chauve et en fauteuil roulant. Ici, on a affaire à un jeune diplômé bourge, dragueur et picoleur, un peu trop rapidement débauché par la CIA. Heureusement, le scénario donne une importance égale, voire légèrement supérieure, à son futur antagoniste - Erik Lenhsherr, alias Magnéto.
L’aube rouge
Le film remake plan par plan puis prolonge la puissante séquence introductive du premier X-Men de Bryan Singer : le jeune Erik, séparé de ses parents à l’entrée d’un camp de concentration, en tord les grilles sous le joug de la colère. Un mystérieux collabo, Sebastian Shaw (Kevin Bacon, parfait salopard en chef), assassine froidement la mère du gosse devant lui pour le voir accomplir ses miracles. 18 ans plus tard, marqué par ce traumatisme, Lenhsherr, devenu chasseur de nazis de la Suisse à l’Argentine, use de son pouvoir sur les métaux pour assouvir sa soif de vengeance. Croisant la route de Xavier lors d’un raid contre Shaw et ses sbires, il le rejoint et, flanqué d’autres jeunes mutants, les deux nouveaux amis vont tenter d’empêcher l’envenimement de la Guerre Froide. Cette double assise historique est sans nul doute la meilleure idée d’un film qui par ailleurs souffre visiblement de ses délais de production intenables : fraîchement débarqué sur le projet, Matthew Vaughn n’a disposé que d’une année pour le finaliser là où au moins le double aurait été nécessaire. Sa maîtrise de narrations emberlificotées, qui avait pu faire de petites merveilles sur Stardust et Layer Cake, est ici parasitée par un script faiblard dans son deuxième acte, qui perd en force dès qu’il s’éloigne de ses deux personnages principaux – les parties avec les mutants ados, à la limite du soap opera, sont d’un intérêt tout relatif, et l’agent de la CIA campée par Rose Byrne ne sert visiblement que de passe-plats. Côté mise en scène, on regrette un fâcheux manque d’unité et d’audace pendant cette même foutue seconde partie. Heureusement, Vaughn redresse la barre à l’arrivée du climax, réinterprétation tapageuse de la crise des missiles de Cuba.
Les enfants de l’atome
Tout en recentrant ses enjeux avec brio, X-Men : le commencement revient alors dans la pertinente voie tracée par les deux films de Bryan Singer, porteuse d’interrogations fécondes sur le mythe, le décorum et la signification sociétale du super-héros. L’inscription du récit dans un contexte historique (et surtout politique) sort du clin d’œil pour faire sens avec des thématiques déjà explorées dans X-Men 2, mais qui trouvent ici encore plus d’écho – on appréciera notamment avec quelle habileté est détourné le spectre du nucléaire, grand classique du fantastique des années 60. Cette réussite in extremis doit beaucoup à la composition d’un Michael Fassbender toujours aussi remarquable, et à un Matthew Vaughn enfin redevenu maître de ses moyens, conscient de l’importance de cette conclusion. Ses scènes d’action sont à des lieux du clinquant Kick-Ass, et ses habituelles touches d’humour (guettez la savoureuse apparition de Wolverine) s’intègrent parfaitement au ton de l’ensemble. Pour bancal qu’il soit, X-Men : le commencement témoigne de la volonté de son réalisateur et de son producteur Bryan Singer de sortir de la simple routine cynique des blockbusters hollywoodiens consacrés à des super-héros. Leurs personnages n’ont peut-être pas l’air plus malins que les autres en combi moulante, mais au moins, leurs joutes ne se cantonnent pas à de simples destructions de décors ourdies par de grands gamins avec des caméras.
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