La «Casa Dei» ne connaît (presque) pas la crise. Aujourd'hui, le club des «grandes maisons» se mue en refuge d'altitude pour un public dérouté par la confusion des genres musicaux. Alors élitisme ou simplement culture de l'excellence ? Alain Koenig
Le festival renoue avec son ADN en confiant l'ouverture du bal au luxueux tandem Emmanuelle Bertrand – Pascal Amoyel. Ce dernier n'est-il pas en effet le disciple de György Cziffra, fondateur de ce grand rendez-vous en 1966 ? L'ambitus sonore impressionnant des deux complices dominera : Bach, Schumann, Chopin, rien de moins ! L'édition 2015 s'articule autour d'événements tous plus enthousiasmants les uns que les autres, et il faudra jouer des coudes pour faire partie des «happy few du jubé», expression d'une célèbre musicologue ! En convoquant Bach, Haendel et Scarlatti, tous trois nés en 1685, l'équipe du festival entrouvre la porte du Jardin d'Éden. Que serait, en effet, La Chaise-Dieu sans un hommage appuyé au compositeur dont la restitution du portrait a fait couler beaucoup d'encre: le Cantor de Leipzig ? Dans ce verger luxuriant, deux soirées seront consacrées à sa Messe en si, autre retour aux sources de la musique d'un Occident que l'on voit s'essouffler tous les jours un peu plus.
Les "émergents" sont français !
Tout a été écrit sur cette "Pierre de Rosette", œuvre enivrante, déraisonnable, démesurée, kilomètre zéro de l'harmonie et de la mélodie modernes, aux fugues ébouriffantes, même pour un chauve ! N'est-ce pas d'ailleurs par une interprétation rédemptrice de la partition originelle du chef d'œuvre (Missa 1733) que le jeune prodige Raphaël Pichon a bouleversé toutes les discographies existantes ? Invité à La Chaise-Dieu, il l'est, dans un répertoire où on ne l'attendait pas, mais dans lequel il triomphera, comme il l'a fait récemment avec Mozart : le Requiem allemand de Brahms, version deux pianos. Ne boudons pas notre plaisir de voir également à l'affiche de cette noble institution un jeune chef français, violoncelliste de formation, Alexandre Bloch. Sa fougue contagieuse a déjà été saluée par les musiciens des plus grands orchestres, comme le Concertgebouw, le London Symphony, ou plus récemment l'ONL. L'entendre à la tête de l'Orchestre National de Lille diriger le Concerto pour violoncelle de Schumann, avec une autre pousse de la pépinière française, Edgar Moreau, sera l'un des temps forts d'une édition particulièrement riche en nouveaux talents. La Première Symphonie de Beethoven, trop rarement jouée, ainsi que la Huitième de Dvorák, par la même phalange, viendront compléter une offre déjà très longue en bouche.
Festival de La Chaise-Dieu, du 21 au 30 août, en Haute-Loire / www.chaise-dieu.com