Pour se venger du Marquis des Arcis, auquel elle a cédé malgré sa funeste réputation de libertin, Mme de La Pommeraye ourdit une complexe machination amoureuse contre ce lui en embauchant deux aristocrates déclassées, Mlle de Joncquières et sa mère. Mais peut-elle impunément user de l'amour comme d'un poison ?
Deux pensées se télescopent à la vision de ce film. L'une, que XVIIIe siècle, avec son amour des mots et ses mots d'amour, était taillé pour la plume stylisée prompte à (d)écrire les tourments chantournés qu'affectionne Emmanuel Mouret. L'autre, concomitante : que ne l'a-t-il exploré plus tôt ! Or rien n'est moins évident qu'une évidence ; Mouret a donc attendu d'être invité à se pencher sur cette époque pour en découvrir les délices. Et se rendre compte qu'il y avait adéquation avec son ton.
S'inspirant comme Bresson d'un extrait de Jacques le Fataliste, Mouret l'étoffe et ajoute une épaisseur tragique et douloureuse. Là où Les Dames du Bois de Boulogne se contentait d'une cynique mécanique de vengeance, Mouret dépasse la cruauté de la manigancière et la prend à son propre piège. Il renoue par là-même avec un motif récurrent chez lui : la représentation sensible de toutes les géométries du triangle amoureux. Dans cet exercice, où les cœurs passent dans l'instant du printemps à l'hiver, sa distribution fait merveille : sans doute parce qu'ils sont de fins diseurs et formés aux planches, Cécile de France et Édouard Baer vivent plus qu'ils ne jouent les tourments de la passion. On les plaint, avant de les applaudir.