De Hirokazu Kore-eda (Fr.-Jap., 1h47) avec Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Ethan Hawke, Margot Clavel...
Star de cinéma, Fabienne vient de publier ses mémoires titrés La Vérité et va entamer un nouveau tournage. Sa scénariste de fille Lumir, son époux et leur petite Charlotte, débarquent alors de New York. Leur séjour permettra de régler de vieilles querelles, mais aussi panser des plaies...
« On ne peut se fier à sa mémoire ». Aux allures de mantra, cette réplique est un peu la clef de La Vérité : on l'entend sortir de la bouche de Lumir (reprochant les arrangements de sa mère avec la vérité dans son livre), mais aussi de celle de la fantasque Fabienne, faisant remarquer en retour à sa fille que le point de vue d'une enfant est trompeur. Si l'actrice revendique dans sa vie comme son art le “mentir vrai“ d'Aragon, en assumant également une incorrigible mauvaise foi et ses caprices, elle sait — par le bénéfice de l'âge — que toute vérité est relative, subjective. Que la perfection qu'elle suppose, forcément impossible à atteindre. Et que l'écrit est un pis-aller au jeu, donc à la vie. Acteurs 1, scénaristes 0 ? Difficile de savoir qui aura le dernier mot !
Kore-eda accomplit ici une œuvre d'une vertigineuse adresse offrant bien des niveaux de lectures. Sans renoncer aux valeurs intrinsèques de son cinéma (ses “plans haïkus“ célébrant la saisonnalité et la nature ; la famille...), il témoigne d'une authentique compréhension et assimilation des codes culturels occidentaux et signe surtout un très troublant portrait d'actrice. Car si le personnage de Fabienne présente d'indubitables traits de la star Deneuve, toutes deux sont bien distinctes. Et l'on admire d'autant plus le travail d'interprétation de Dame Catherine, s'emparant avec brio de ce rôle casse-gueule à la fois proche et très éloigné de sa personne/personnalité : on ne l'a pas vue aussi présente, juste, investie et émouvante depuis des années. Elle parachève ainsi une année plutôt faste qui comptait également L'Adieu à la nuit et Fête de famille. On attend donc avec espoir la suite.